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Alors je suis entré dans une maison, et je me suis senti transporté, comme par des changements à vue, de pièce en pièce, où des spectacles extraordinaires m’étaient donnés.

De ces spectacles, je ne me rappelle que cela ; le reste avait disparu de moi au réveil, — quoique j’aie gardé une vague conscience que cela avait duré longtemps, et que bien d’autres scènes s’étaient déroulées dans mon rêve. J’étais dans une chambre, et un monsieur, en chapeau noir, donnait de furieux coups de tête dans les murs, et au lieu de s’y briser la tête, y entrait, en sortait, y rentrait encore. Puis je me trouvais couché dans une grande salle, sur un lit, dont la couverture était faite de deux figures pareilles à ces monstrueux masques de grotesques des baraques de saltimbanques, et cette couverture à images en relief se levait et s’abaissait sur moi, et bientôt la couverture ne fut plus faite de ces visages de carton, mais d’un dessus d’homme et d’un devant de femme, semblables à ces peaux de bêtes dont on fait des descentes de lit, et d’un immense semis de fleurs, à propos desquelles je faisais la remarque que j’avais la sensation de leurs couleurs, mais non la perception : — la couleur dans le rêve est comme un reflet dans les idées et non une réflexion dans l’œil. Et cela aussi, fleurs et couple, s’agitait sur moi, absolument comme les flots de la mer du théâtre, et sur tout mon corps, je sentais un chatouillement dardé.

Après, dans une autre salle, étroite, haute comme une tour, j’étais attaché par les pieds, la tête en bas,