— C’est de l’imagination, de l’invention, crie aigrement Sainte-Beuve, j’ai connu cette rue de Langlade, ce n’était pas du tout comme ça.
— Mais dans quels romans trouvez-vous la vérité ! Est-ce dans les romans de Mme Sand ?
— Mon Dieu, fait Renan qui est à côté de moi, je trouve beaucoup plus vraie Mme Sand que Balzac.
— Pas possible, vraiment !
— Oui, oui, chez elle les passions sont générales…
— Et puis Balzac a un style ! jette Sainte-Beuve, ça a l’air tordu, c’est un style cordé.
— Messieurs, reprend Renan, dans trois cents ans on lira Mme Sand.
— Plus souvent… à Chaillot… Mme Sand, elle ne restera pas plus que Mme de Genlis.
— C’est déjà bien vieux, Balzac ! hasarde Saint-Victor, et puis c’est trop compliqué.
— Mais Hulot, crie Nefftzer, c’est humain, c’est superbe !
— Le beau est simple, reprend Saint-Victor, il n’y a rien de plus beau que les sentiments d’Homère, c’est éternellement jeune… Voyons Andromaque, c’est plus intéressant que Mme Marneffe !
— Pas pour moi ! fait Edmond.
— Comment, pas pour vous ?
— Votre Homère ne peint que les souffrances physiques. Peindre les souffrances morales, c’est autrement malaisé… Et voulez-vous que je vous dise : le moindre roman psychologique me touche plus