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« Las enfin de mes mépris, il m’abandonna à mon orgueil ; il alla, dans une lointaine solitude, chercher une retraite ignorée où il mourut.


« À moi le repentir, à moi la faute ! — ma vie devra l’expier. Cette solitude qu’il a cherchée, je la cherche à mon tour : je ne m’arrêterai qu’à la place où il repose.


« Là, seule, désespérée, cachant ma honte, je veux me prosterner et mourir ! C’est ce qu’Edwin fit pour moi : je le ferai pour lui.


« — Ciel ! ne le permets pas ! — s’écrie l’ermite, et il la serre contre son sein. La belle, surprise, va s’irriter. — C’est Edwin lui-même qui la presse dans ses bras.


« Regarde, Angélina, toi qui me fus toujours chère, toi le charme de mon âme ! Regarde ton Edwin, ton Edwin si longtemps perdu pour toi ! — C’est lui, lui rendu à l’amour et à toi.


« Oh ! laisse-moi te tenir sur mon cœur ! laisse-moi oublier mes ennuis ! Jamais, non jamais, nous ne nous quitterons ! — toi, ma vie, toi qui es tout pour moi !


« Non, de ce moment, ne nous quittons jamais ! nous vivrons, nous aimerons de cet amour si vrai ! Le soupir, qui doit briser ton cœur fidèle, brisera aussi le cœur de ton Edwin ! »


Pendant la lecture de cette ballade, Sophie semblait mêler une expression de tendresse à son approbation. Tout à coup notre tranquillité fut troublée par l’explosion d’un fusil tiré juste à côté de nous, et, à l’instant même, nous vîmes un homme s’élancer au travers de la haie pour ramasser la pièce qu’il venait d’abattre. Le chasseur était le chapelain du Squire ; il avait tué un des merles dont le chant nous faisait tant de plaisir. À cette détonation si forte et si voisine, mes filles s’étaient levées toutes tremblantes, et je remarquai que, dans sa frayeur, Sophie s’était jetée aux bras de M. Burchell pour y trouver protection.