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NOTICE SUR GOLDSMITH.


Si vous demandez au vulgaire ce que c’est qu’un poëte, il vous répondra qu’un poëte est un homme qui fait des vers. Celui-là est poëte, à son avis, qui ne se sert pas de la forme naturelle et commune du langage pour exprimer sa pensée ; qui sait assujettir la période à de certaines règles convenues, balancer douze syllabes entre deux hémistiches égaux sur un axe qu’on appelle la césure, en chargeant d’adjectifs auxiliaires le côté le plus léger ; éviter le concours odieux de deux voyelles qui se heurtent, et frapper l’oreille du retour de deux riches consonnances qui se suivent et se répondent avec une harmonieuse uniformité. Quand on a le secret de ce mécanisme, on fait des vers, on est poëte ; on rime aisément ce que les gens sensés oseraient à peine dire en prose, dans le langage de la conversation la plus abandonnée ; on range ce fatras en ligues boiteuses sur du papier blanc, avec la précaution bénévole de séparer par de larges espaces tous les paragraphes qui contiennent quelque chose de semblable à