Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

si honteuse peine ! Jamais mon pauvre George n’a pu se rendre coupable d’un crime qui fasse rougir de lui ses aïeux !

— Mon crime, père, est, je le crains, un de ceux pour lesquels il n’y a point de pardon. Dès que j’ai reçu la lettre de ma mère, je suis accouru, décidé à punir le traître qui nous a déshonorés ; je lui ai donné un rendez-vous auquel il a répondu, non en personne, mais par l’envoi de quatre de ses gens chargés de m’arrêter. Le premier qui a porté la main sur moi, je l’ai blessé, et, je le crains, blessé à mort ; les autres se sont emparés de moi. Il veut, le lâche, me faire appliquer la loi. Les preuves !… je ne puis les nier. J’ai envoyé un cartel, j’ai le premier violé le statut ; je ne vois pas de chances de pardon. Vous m’avez plus d’une fois charmé par vos exhortations au courage ; qu’elles se réalisent aujourd’hui par votre exemple.

— Elles vont se réaliser, mon fils. Je me sens désormais au-dessus de ce monde et de tous ses plaisirs. Je brise, en ce moment, tous les liens qui attachaient mon cœur à la terre ; nous allons tous les deux nous préparer à l’éternité. Oui, mon fils, je vais te montrer le chemin ; mon âme va guider la tienne dans son vol vers les cieux ; car nous allons prendre ensemble notre essor. Tu n’as plus ici-bas de pardon à espérer ; je le vois, j’en suis convaincu. Je ne puis que t’exhorter à l’implorer de ce tribunal suprême devant lequel nous allons comparaître tous les deux. Mais ne soyons point avares de nos exhortations ; que tous nos camarades de prison y participent ! Bon geôlier, je veux chercher à les rendre meilleurs ; permettez-leur d’entrer ici. »

À ces mots, je fis un effort pour me lever sur ma paille ; mais la force me manqua, et je ne pus que m’appuyer contre le mur. Les détenus se réunirent, comme je le désirais ; car ils aimaient à écouter mes avis. Moïse et sa mère me soutenaient de chaque côté. D’un coup d’œil, je reconnus que tous mes auditeurs étaient là ; je leur adressai l’exhortation ci-après.