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entrevues entre ses deux amants, car il y en eut plusieurs, elle avait l’habitude de se retirer pour être seule et se livrer à sa douleur. Ce fut dans cet état que je la trouvai à la fin d’une soirée où elle avait affecté une gaieté folle. « Tu le vois, mon enfant, lui dis-je, ta confiance dans la passion de M. Thornhill n’était qu’un songe. Il peut, par une déclaration franche, s’assurer mon Olivia ; il le sait, et il souffre un rival, son inférieur de tous points. — Oui, père ; mais il a ses raisons pour ce retard ; il les a, je le sais. La sincérité de ses regards et de ses paroles m’est un sûr garant de son estime réelle. Quelques jours encore !… et toute la générosité de ses sentiments va se révéler, et vous allez reconnaître que mon opinion sur lui est plus juste que la vôtre. — Olivia, ma chère !… toutes nos manœuvres jusqu’ici pour l’amener à une déclaration, c’est toi-même qui les as proposées, qui les as conduites !… La moindre violence à ton égard, tu ne peux du moins me la reprocher. Mais, dans ta malencontreuse passion, il ne faut pas, mon enfant, attendre toujours de ma part tolérance et complicité de la mystification de son honnête rival. Tout le temps que tu crois nécessaire pour amener ton prétendu adorateur à une déclaration, je te l’accorde ; mais, ce terme venu, s’il ne s’explique point, j’insiste pour que l’honnête M. Williams reçoive le prix de sa fidélité. Le caractère dont je suis revêtu dans ce monde m’en fait un devoir, et ma tendresse comme père ne me fera jamais manquer à ma probité comme homme. Prends ton jour ; prends-le aussi éloigné que tu le jugeras convenable, et, en même temps, arrange-toi pour que M. Thornhill sache l’époque précise à laquelle je suis bien résolu de t’accorder à un autre. Si réellement il t’aime, son bon sens l’avertira qu’il n’y a, pour lui, qu’un moyen de ne pas te perdre à toujours. » Cette proposition ne pouvait manquer de lui paraître juste ; elle l’accepta sans hésiter. Elle me renouvela la promesse formelle d’épouser Williams, si M. Thornhill persistait dans son indifférence ; et, à la première occasion, en pré-