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seuls les monarques en ont été les protecteurs : les Shakespeare, les Molière se sont épanouis, grâce à leur appui bienveillant, tandis que Dante ne pouvait trouver dans sa patrie républicaine un coin où reposer sa tête. Les véritables génies se produisent au moment où les souverains et les États sont dans toute leur puissance, et non pas dans l’abomination des luttes intestines ni de la terreur républicaine, qui jusqu’à présent n’ont donné au monde aucun génie. Il faut récompenser les vrais poètes, car loin de fomenter le trouble et la révolte, ils font régner dans les âmes une paix souveraine. Les savants, les écrivains, les artistes sont les perles et les diamants de la couronne impériale ; le règne de tout grand monarque s’en pare et en tire un plus grand éclat. » Tandis qu’elle prononçait ces paroles, l’impératrice resplendissait, paraît-il, d’une beauté divine ; les vieillards ne pouvaient évoquer ce souvenir sans verser des larmes. Chacun prit l’affaire à cœur : soit dit à notre honneur, tout Russe se range volontiers du côté du faible. Le seigneur qui avait trompé la confiance placée en lui fut puni de façon exemplaire et destitué de sa charge ; le mépris absolu qu’il pouvait lire dans les yeux de ses compatriotes lui parut un châtiment bien plus terrible encore. Les souffrances de cette âme vaniteuse ne se peuvent exprimer : l’orgueil, l’ambition déçue, les espoirs brisés, tout s’unissait pour le torturer, et sa vie se termina dans d’effroyables accès de folie furieuse.

» Un second fait, de notoriété non moins générale, vint renforcer la sinistre rumeur. Parmi les