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« Où donc sont vos portraits ? demanda-t-elle.

– On les a emportés, dit le peintre quelque peu confus. … Je viens d’emménager ici…, ils sont encore en route.

– Vous êtes allé en Italie ? demanda encore la dame en braquant vers lui son face-à-main, faute d’autre objet à lorgner.

– Non…, pas encore… J’en avais bien l’intention… mais j’ai remis mon voyage… Mais voici des fauteuils ; vous devez être fatiguées ?

– Merci, je suis longtemps restée assise en voiture… Ah, ah, je vois enfin de vos œuvres ! » s’écria la dame, dirigeant cette fois son face-à-main vers la paroi au pied de laquelle Tchartkov avait déposé ses études, ses portraits, ses essais de perspective. Elle y courut aussitôt. « C’est charmant. Lise, Lise, venez ici. Un intérieur à la manière de Téniers. Tu vois ? Du désordre, du désordre partout ; une table et un buste dessus, une main, une palette… et jusqu’à de la poussière… Tu vois, tu vois la poussière ? C’est charmant… Tiens, une femme qui se lave le visage ! Quelle jolie figure !… Ah, un moujik !… Lise, Lise, regarde : un petit moujik en blouse russe !… Je croyais que vous ne peigniez que des portraits ?

– Oh, tout cela n’est que bagatelles… Histoire de m’amuser… De simples études !

– Dites, que pensez-vous des portraitistes contemporains ? N’est-ce pas qu’aucun d’eux n’approche du Titien ? On ne trouve plus cette puissance de coloris, cette… Quel dommage que je ne puisse vous exprimer ma pensée en russe ! » La dame, férue de peinture, avait parcouru avec son