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pénétra dans son atelier, vaste pièce carrée mais basse de plafond, aux vitres gelées, encombrée de tout un bric-à-brac artistique : fragments de bras en plâtre, toiles encadrées, esquisses abandonnées, draperies suspendues aux chaises. Très las, il rejeta son manteau, posa distraitement le portrait entre deux petites toiles et se laissa choir sur un étroit divan dont on n’aurait pu dire qu’il était tendu de cuir, la rangée de clous qui fixait ledit cuir s’en étant depuis longtemps séparée ; aussi Nikita pouvait-il maintenant fourrer dessous les bas noirs, les chemises, tout le linge sale de son maître. Quand il se fut étendu, autant qu’il était possible de s’étendre, sur cet étroit divan, Tchartkov demanda une bougie.

« Il n’y en a pas, dit Nikita.

– Comment cela ?

– Mais hier déjà il n’y en avait plus. »

Le peintre se rappela qu’en effet « hier déjà » il n’y en avait plus. Il jugea bon de se taire, se laissa dévêtir, puis endossa sa vieille robe de chambre, laquelle était usée et même plus qu’usée.

« Faut vous dire que le propriétaire est venu, déclara soudain Nikita.

– Réclamer son argent, bien sûr ? s’enquit Tchartkov avec un geste d’impatience.

– Oui, mais il n’est pas venu seul.

– Et avec qui donc ?

– Je ne sais pas au juste…, comme qui dirait avec un commissaire.

– Un commissaire ? Pour quoi faire ?

– Je ne sais pas au juste… Paraît que c’est par rapport au terme.