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fit reculer Kovaliov qui alla donner de la nuque contre le mur. L’esculape lui conseilla de ne pas prêter attention à cette bagatelle et d’éloigner légèrement sa tête du mur. Il la lui fit alors tourner, d’abord à droite, puis à gauche, en palpant chaque fois l’endroit où aurait dû se trouver le nez et en murmurant : « Hum ! » Finalement il lui donna une seconde chiquenaude : cette fois-ci, Kovaliov rejeta la tête en arrière comme un cheval auquel on inspecte les dents. Après cet examen, l’homme de l’art branla le chef et déclara :

« Restez donc comme vous êtes, pour éviter des complications. On peut évidemment remettre votre nez en place ; je m’en chargerais volontiers ; mais, je vous le répète, vous vous en trouverez plus mal.

– Comment cela ? dit Kovaliov. Quelle situation peut être pire que la mienne ? Que voulez-vous que je devienne sans nez ? Où irai-je, accommodé de la sorte ? Pourtant, je suis assez répandu dans le monde : aujourd’hui même, je dois assister à deux soirées. J’ai de nombreuses connaissances : Mme la conseillère Tchékhtariov, Mme Podtotchine, la veuve d’un officier supérieur… Il est vrai que je ne saurais dorénavant fréquenter cette dernière. Après de pareils procédés, je n’aurai de relations avec elle que par l’intermédiaire de la police… Mais enfin… Voyons, docteur, poursuivit Kovaliov d’une voix suppliante, n’y a-t-il vraiment pas moyen ? Arrangez-le tant bien que mal ; à la rigueur et en cas de danger, je puis le soutenir de la main. Comme d’ailleurs je ne danse pas, il n’y a pas à redouter de geste imprudent… En ce