m’en préserve !… Écrivez tout simplement : un assesseur de collège, ou mieux encore, un monsieur ayant rang de major…
– Et le fugitif est l’un de vos serfs ?
– Un serf ! Il s’agit bien de cela ! Non, le fugitif n’est autre que… mon nez.
– Vous dites ? Quel nom bizarre ! Et ce monsieur « Monnez » vous a emporté une forte somme ?
– Eh non ! vous faites erreur ! Mon nez, monsieur, mon propre nez a pris la poudre d’escampette. C’est le diable, sans doute, qui m’a joué ce beau tour !
– Comment diantre cela est-il arrivé ? Je ne comprends pas très bien !
– Je ne saurais vous le dire ; toujours est-il que ce monsieur roule carrosse et se fait passer pour conseiller d’État. Je vous prie donc d’annoncer que quiconque mettra la main dessus ait à me le remettre dans le plus bref délai possible. Voyons, monsieur, je vous le demande, que puis-je faire sans cet organe apparent ? S’il ne s’agissait que d’un orteil, je fourrerais mon pied dans ma botte et personne n’en remarquerait l’absence. Mais, vous comprenez, je vais tous les jeudis chez Mme la conseillère Tchékhtariov ; Mme Podtotchine, Pélagie Grigorievna, une veuve d’officier supérieur et sa charmante fille sont aussi de mes amies… Jugez-en vous-même… Impossible maintenant de me présenter décemment chez elles !… »
L’employé se prit à réfléchir ; du moins la contraction de ses lèvres permettait de le supposer.