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avec le petit doigt pour la remplir. Tout le monde se mit à parler de la sorcière ; chacun s’empressait de raconter quelque chose à son tour. Chez l’un, la sorcière était venue en visite jusqu’à la porte de la maison, sous la forme d’un tas de foin ; à l’autre, elle avait volé le bonnet, et la pipe d’un troisième ; elle avait coupé les tresses de cheveux à plusieurs filles du village, et bu quelques seaux de sang chez d’autres paysans de son père. Enfin toute cette compagnie vint à se souvenir qu’elle était restée trop longtemps à jaser, car il faisait déjà complétement nuit. Ils se mirent tous à chercher des endroits propres à se coucher, les uns dans la cuisine, les autres dans les granges, ou même au beau milieu de la cour.

— Eh bien, seigneur Thomas, il est temps que nous allions chez la morte, — dit le vieux Cosaque en s’adressant au philosophe.

Et tous les quatre, c’est-à-dire lui, le philosophe, Spirid et Doroch s’en allèrent à l’église, en écartant avec leurs fouets les chiens qui erraient en grand nombre dans la rue, et mordaient de colère les manches de leurs fouets.

Quoique le philosophe n’eût pas oublié de se donner du cœur au ventre avec un bon verre d’eau-de-vie, il ressentait cependant une terreur secrète qui devenait plus forte à mesure qu’il approchait de l’église, car les histoires extraordi-