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puis plus sourd, et plus sourd encore, jusqu’à ce qu’enfin il se trouvât entièrement couvert ! Je tombai auprès de la fosse, saisi, agité, oppressé, les entrailles déchirées. Mais je ne savais rien sur mon origine, sur mon avenir. Mourir ! tombeau ! Je n’entends point ces mots !

« Oh ! pardonne-moi ! pardonne-moi ! Hier !… ç’aurait dû être le dernier moment de ma vie. O ange ! ce fut pour la première fois, oui, pour la première fois, que ce sentiment d’une joie sans bornes pénétra tout entier, et sans aucun mélange de doute, dans mon âme : Elle m’aime ! elle m’aime ! Il brûle encore sur mes lèvres, le feu sacré qui coula par torrents des tiennes ; ces ardentes délices sont encore dans mon cœur. Pardonne-moi ! pardonne-moi !

«Ah ! je le savais bien que tu m’aimais ! Tes premiers regards, ces regards pleins d’âme, ton premier serrement de main, me l’apprirent ; et cependant, lorsque je t’avais quittée, ou que je voyais Albert à tes côtés, je retombais dans mes doutes rongeurs.

« Te souvient-il de ces fleurs que tu m’envoyas le jour de cette ennuyeuse réunion, où tu ne pus me dire un seul mot, ni me tendre la main ? Je restai la moitié de la nuit à genoux devant ces fleurs, et elles furent pour moi le sceau de ton amour. Mais, hélas ! ces impressions s’effaçaient, comme insensiblement s’efface dans le cœur du chrétien le sentiment de la grâce de son Dieu, qui lui a été donné avec une profusion céleste dans de saintes images, sous des symboles visibles.