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t d’action et de souffrance ; elle ne peut plus demeurer parmi nous.

Le cercueil se remit en marche, la jeune villageoise le suivit de près et arriva avec lui à la chapelle.

En déposant les restes d’Ottilie dans cette chapelle, on avait placé à sa tête le cercueil de l’enfant, et à ses pieds le magnifique coffre renfermé dans une caisse de chêne. Une garde spéciale devait pendant les premiers jours veiller sur le corps qui, à travers le couvercle de verre du cercueil, charmait encore tous les yeux. Mais Nanny ne voulait pas se laisser enlever ce qu’elle appelait son droit, elle demanda à rester seule auprès de sa maîtresse et à veiller sur la lampe qu’on alluma pour la première fois. L’accent passionné dont elle exprima ce désir, fit qu’on y céda dans la crainte de porter à sa raison une atteinte dangereuse.

Nanny cependant ne resta pas longtemps seule dans la chapelle. Dès que la nuit fut venue, et que la lumière vacillante de la lampe y répandit sa clarté lugubre, la porte s’ouvrit, et l’Architecte franchit le seuil de ce lieu dont les murs pieusement décorés par lui et doucement éclairés par la lampe nocturne, se présentaient à ses regards sous un aspect d’antiquité prophétique, dont il ne les aurait jamais crus susceptibles.

Nanny, assise près du cercueil, le reconnut aussitôt, et lui indiqua par un geste silencieux les restes inanimés de sa maîtresse. L’extérieur de l’Architecte annonçait la force et les grâces de la jeunesse, mais une puissance surnaturelle semblait l’avoir tout à coup refoulé sur lui-même. Muet, immobile, les regards fixés sur le corps d’Ottilie, il la contemplait en joignant ou plutôt en se tordant les mains avec un mouvement de désespoir compatissant.