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avait fait quelque part une singulière découverte : car, bien qu’il fût obligé de ramper sans lumière à travers ces abîmes, il pouvait fort bien distinguer les objets au moyen du tact. Il était accoutumé à ne trouver partout que des produits irréguliers de la nature ; tantôt il se glissait à travers les pointes des grands cristaux, tantôt il sentait les angles et les filets de l’argent natif, et apportait au jour telle ou telle pierrerie ; mais, à sa grande surprise, il avait aperçu, dans un rocher fermé de toutes parts, des objets qui trahissaient la main industrieuse de l’homme, des parois polies auxquelles il ne pouvait grimper, des arêtes aiguës et régulières, des colonnes élégantes, et, ce qui lui paraissait le plus étrange, des figures humaines, autour desquelles il s’était enroulé plus d’une fois, et qu’il croyait être du bronze ou du marbre extrêmement poli. Toutes ces découvertes, il désirait les observer enfin avec le sens de la vue, et constater ce qu’il ne faisait encore que soupçonner. Il se crut en état d’éclairer par sa propre lumière cette merveilleuse voûte souterraine, et se flattait de parvenir à connaître parfaitement ces objets singuliers. Il courut et découvrit bientôt, en suivant la route ordinaire, la fente par laquelle il avait coutume de se glisser dans le sanctuaire.

Quand il se trouva dans ce lieu, il regarda autour de lui avec curiosité, et, bien que sa lumière ne pût éclairer tous les objets de la rotonde, les plus proches devinrent assez distincts pour lui. Il leva les yeux avec étonnement et respect vers une niche brillante, dans laquelle était érigée la statue d’or pur d’un roi vénérable. Par la dimension, la statue surpassait la taille humaine, mais la forme annonçait un homme petit plutôt que grand. Son corps bien fait était enveloppé d’un simple manteau, et une couronne de chêne ceignait sa chevelure.

À peine le serpent avait-il considéré cette vénérable image, que le roi se mit à parler et dit :

« D’où viens-tu ?

— Des cavernes où l’or demeure, répondit le serpent.

— Qu’y a-t-il de plus beau que l’or ? dit le roi.

— La lumière.

— Qu’y a-t-il de plus agréable que la lumière ?

— La parole. »