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un lieu que j’ai quitté. Excusez-moi de ne pouvoir vous faire connaître le motif de cette singularité.

— Je regrette vivement, dit Lénardo, que nous devions vous perdre sitôt, et que je ne puisse, à mon tour, faire quelque chose pour vous. Mais, puisque vous avez commencé à m’obliger, vous me rendriez bien heureux, si vous alliez voir Valérine, pour vous instruire exactement de sa posifion et m’en donner ensuite, pour me tranquilliser, des nouvelles détaillées, soit par écrit, soit de vive voix…. Il nous serait facile de convenir d’un lieu de rendez-vous. »

Ce projet fut discuté ; on avait indiqué à Wilhelm le séjour de Valérine ; il se chargea de lui rendre visite. Les deux jeunes hommes convinrent d’un lieu tiers, où le baron se rendrait, et amènerait Félix, qui était demeuré auprès des dames.

Lénardo et Wilhelm, chevauchant de compagnie, avaient poursuivi quelque temps leur chemin à travers d’agréables prairies, en discourant sur divers sujets. Enfin ils approchèrent de la grand’route, et atteignirent la voiture, qui, escortée de son maître, allait rejoindre le logis.

Les amis étaient sur le point de se séparer ; Wilhelm prenait congé avec quelques paroles affectueuses, et promettait encore une fois au baron qu’il aurait bientôt des nouvelles de Valérine ; tout à coup Lénardo s’écria :

« Mais, j’y pense !… Je n’aurais qu’un petit détour à faire pour vous accompagner : pourquoi n’irais-je pas moi-même rendre visite à Valérine ? Pourquoi ne pas m’assurer par moimême de son heureuse situation ? Vous avez été assez bon pour offrir d’être mon messager : pourquoi refuseriez-vous de m’accompagner ? Car il me faut un compagnon, un conseil moral, comme on prend un conseil judiciaire, quand on ne croit pas être tout à fait capable de traiter une affaire juridique. »

Wilhelm objecta vainement qu’on attendait au logis le voyageur, absentdepuis si longtemps ; que l’arrivée de la voiture vide produirait un étrange effet : tout ce qu’il put ajouter encore ne fit aucune impression sur Lénardo, et Wilhelm dut enfin se résoudre à l’accompagner, ce qu’il ne faisait pas de bon cœur, à cause des suites qu’il redoutait.

Le baron instruisit les domestiques de ce qu’ils avaient à dire