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personne, là pour deux, plus haute quelquefois que la stature humaine, puis obligeant ensuite à se baisser et même à ramper, Vers le milieu, la cavité s’agrandit par en haut et forme un dôme élancé. Dans un coin, une crevasse s’ouvre par en bas, et nous avons toujours compté lentement jusqu’à dix sept ou dix-neuf, avant qu’une pierre, qui tombait et bondissait avec des retentissements divers, fût enOn parvenue jusqu’au fond. Aux parois pendent des stalactites, mais la grotte n’est humide qu’en trèspeu d’endroits, et il ne s’y forme pas à beaucoup près d’aussi riches et merveilleuses figures que dans la grotte de Baumann1. Nous pénétrâmes aussi loin que les eaux nous le permirent. En revenant, nous déchargeâmes le pistolet : la grotte en fui ébranlée avec un sourd et profond retentissement, et nous entendîmes autour de nous comme le bourdonnement d’une cloche. Nous fûmes un grand quart d’heure à revenir ; nous redescendîmes les rochers, et, après avoir rejoint la voiture nous poursuivîmes notre voyage. Nous avons vu une jolie cascade1, dans le genre du Staubbach. Elle ne nous a paru ni très-haute, ni trèsriche, maiselle est très-intéressante, en ce que les rochers forment autour d’elle comme une niche circulaire où elle se précipite, et que les masses calcaires qui l’environnent, s’incrustant ellesmêmes, prennent des formes nouvelles et singulières. Nous sommes arrivés ici vers le milieu du jour, sans avoir assez faim pour trouver bon le dîner, qui se compose d’un poisson réchauffé, d’un morceau de vache et de pain dur. De Salenche, il n’y a plus, en avançant dans la montagne, de route carrossable pour une voiture de voyage aussi imposante que la nôtre ; elle retourne à Genève, et je prends congé de vous pour continuer notre course. Un mulet nous suivra, chargé de notre bagage.

Chamouni, 4 novembre 1779, à œuf heures du soir.

Si je prends la plume, c’est uniquement pour que cette feuille me rapproche de vous : autrement je ferais mieux de laisser reposer mes esprits. Nous avons laissé Salenche derrière nous dans une belle vallée ouverte. Pendant notre repos de midi, le ciel s’était couvert de petits moutons blancs, sur lesquels je dois


1. Dans le Harz, non loin d’Ëlbingerode. — 2. Le nant (cascade) d’Arpenas.