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fort bien se conduire dans la haute société où elle avait eu accès par elle. Je pus même concevoir le soupçon et l’espérance qu’un jeune homme riche, qui était dans les meilleurs rapports avec Zucchi, n’était ni insensible aux charmes de la jeune fille, ni éloigné de mettre à exécution des desseins plus sérieux.

Je la trouvai en jolie toilette du matin, comme je l’avais vue pour la première fois àCastel-Gandolfo. Elle me reçut avec une grâce naïve, et m’exprima de nouveau avec une gentillesse naturelle, avec une parfaite amabilité, sa reconnaissance de l’intérêt que je lui avais témoigné. « Jamais je n’oublierai, ditelle, que dans le temps où je me remettais de mon trouble, parmi les noms honorés et chéris des personnes qui s’étaient informées de ma santé, j’entendis aussi prononcer le vôtre. Je demandai plusieurs fois si c’était donc bien vrai. Vous continuâtes vos informations pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce qu’enfin mon frère alla vous faire visite et vous remercier pour nous deux. Je ne sais pas s’il l’a fait comme je l’en avais chargé. Je l’aurais accompagné volontiers, si les convenances l’avaient permis. » Elle me questionna sur la route que j’allais prendre, et, quand je lui eus tracé mon plan de voyage, elle ajouta : « Vous êtes heureux d’être assez riche pour ne devoir pas vous refuser ce plaisir. Nous autres, il nous faut rester à la place que Dieu et les saints nous ont assignée. Dès longtemps je vois devant ma fenêtre les navires arriver et partir, déposer et prendre leur cargaison ; cela est amusant, et je me demande quelquefois d’où viennent, où vont tous ces bâtiments. » Les fenêtres donnaient sur l’escalier de la Ripetta, et le mouvement était justement très-vif à cette heure.

Elle parla de son frère avec tendresse ; elle était heureuse de tenir en ordre son ménage, en sorte qu’il pouvait, quoique son traitement fût modique, placer quelques économies dans un commerce avantageux ; en un mot, elle me parla de sa position avec une entière confiance ; j’étais charmé de son babil, car, à proprement parler, je faisais une singulière figure, ne pouvant m’empêcher de passer en revue tous les incidents de notre tendre liaison, depuis le premier moment jusqu’au dernier. Le