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serions allés assez loin. Je me suis rendu ce malin avec ce bon ami à l’Académie française, où sont rassemblés les plâtres des meilleures statues de l’antiquité.

Comment pourrais-je exprimer ce que je sentis en leur faisant mes adieux ? Dans une pareille société, on est élevé au-dessus de soi-même ; on sent que le plus digne objet dont il faudrait s’occuper, c’est la figure humaine, qui se montre là dans toute sa diversité et sa noblesse. Mais, en présence d’un tel spectacle, qui ne sent pas d’abord son insuffisance ? Fût-on même préparé, on reste comme anéanti. J’avais pourtant cherché à m’expliquer assez clairement les proportions, l’anatomie, la régularité des mouvements, mais je fus alors frappé de cette idée qu’en définitive la forme comprend tout, la convenance des membres, les rapports, le caractère et la beauté.

Rome, 14 avril 1788.

Mon trouble ne saurait guère être plus grand. Tandis que je continuais sans cesse h modeler ce pied, je suis venu à songer que je devrais sans délai entreprendre le Tasse, vers lequel se tournaient d’ailleurs mes pensées…. Compagnon bienvenu pour mon prochain voyage. Cependant je plie bagage. C’est dans ces moments qu’on voit tout ce qu’on a amassé et traîné après soi.

Souvenir* du mois d’aTrll.

Ma correspondance des dernières semaines offre peu de choses remarquables : ma situation était trop perplexe entre l’art et l’amitié, entre la possession et le désir, entre des habitudes prises et un avenir auquel il fallait me raccoutumer. Dans ces circonstances mes lettres pouvaient dire peu de chose. La joie de revoir mes anciens et fidèles amis était trop faiblement exprimée, la douleur de la séparation était au contraire à peine dissimulée. Je me bornerai donc à recueillir dans cette note ce que d’autres papiers et d’autres documents m’ont conservé sur cette époque et ce que me fournissent mes souvenirs.

Tischbein s’attardait encore àNaples, quoiqu’il nous eût an-