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Rome, 1 mars 1788.

Nous allâmes dimanche à la chapelle Sixtine, où le pape assistait à la messe avec les cardinaux. Ceux-ci n’étant pas habillés de rouge, mais de violet, à cause du carême, c’était un spectacle nouveau. Quelques jours auparavant, j’avais vu les tableaux d’Albert Durer, et j’étais charmé de voir celle scène vivante. L’ensemble était d’une grandeur unique et pourtant simple, et je ne m’étonne pas que les étrangers qui arrivent dans la semaine sainte, où tout se rencontre, en soient comme extasiés. Je connais très-bien la chapelle, j’y ai déjeuné l’été dernier, et j’ai fait la méridienne dans le fauteuil du pape ; je connais les tableaux presque par cœur, et pourtant, quand tout ce qui appartient ù la fondation est réuni, c’est bien autre cho*i et l’on a peine à se reconnaître. ’’’

On chantait un ancien motet de l’Espagnol Morales, et ni as eûmes l’avant-goût de ce qui va suivre. Kayser est aussi d’avis que c’est là seulement qu’on peut et qu’on devrait entendre cette musique, soit parce que nulle part ailleurs on ne pourrait exercer des chanteurs à ce chant sans orgue et sans instruments, soit parce qu’il s’accorde uniquement avec l’antique inventaire de la chapelle du pape, avec l’ensemble des œuvres de Michel-Ange, le jugement dernier, les prophètes et l’histoire biblique. Kayser rendra un jour un compte exact de tout cela. C’est un grand admirateur de l’ancienne musique, et il étudie très-assidûment tout ce qui s’y rapporte. Nous possédons, par exemple, une remarquable collection de psaumes .en vers italiens, mis en musique, au commencement de ce siècle, par un noble de Venise, Benedetto Marcello. Il a pris, dans un grand nombre, comme motif l’intonation des juifs espagnols ou allemands ; dans d’autres, il a pris pour base d’anciennes mélodies grecques, et les a traitées avec beaucoup d’intelligence, de science musicale et de ménagement. Ce sont des solos, des duos, des chœurs, d’une incroyable originalité, mais il faut d’abord s’y accoutumer. Kayser les estime beaucoup, et il en copiera quelques-uns. Peut-être découvrirons-nous une fois tout l’ouvrage, qui a paru à Venise en 1724, et qui renferme les cinquante premiers psaumes.