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On voit aisément par notre description que cet amusement peut devenir dangereux pour les animaux et pour les hommes. - Bornons-nous à citer quelques cas.

L’espace qui sépare les voitures étant fort étroit, il suffit qu’une roue de derrière fasse un peu saillie, et que, par hasard, derrière cette voiture, la place se trouve un peu plus large : un cheval qui accourt, serré avec les autres, cherche fc profiter de l’espace agrandi, s’élance, et rencontre justement la roue saillante. Nous avons vu nous-même un cheval abattu par un semblable choc ; trois chevaux tombèrent ensuite par-dessus le premier, et les derniers sautèrent heureusement par-dessus les chevaux tombés, et poursuivirent leur course. Souvent un de ces chevaux tombe mort sur la place, et plus d’une fois, dans ces circonstances, les spectateurs ont joué leur vie.

Il peut arriver aussi de graves accidents quand les chevaux retournent en arrière. On a vu des hommes méchants ou jaloux donner de leur manteau dans les yeux d’un cheval qui avait une grande avance, et le contraindre à se retourner et à se jeter de côté. C’est pis encore quand on ne réussit pas à prendre les chevaux sur la place de Venise : ils retournent alors en arrière sans que rien les arrête, et, comme la carrière s’est de nouveau remplie de monde, ils causent bien des accidents qu’on ignore ou qu’on oublie.

D’ordinaire les chevaux courent à la nuit tombante. Aussitôt qu’ils sont arrivés au palais de Venise, on décharge de petits mortiers ; ce signal se répète au milieu du Corso, et puis enfin dans le voisinage de l’obélisque. A ce moment, la garde quitte ses postes ; on cesse de maintenir l’ordre dans la file des voitures, et c’est assurément, même pour le spectateur qui est tranquille à sa fenêtre, un moment de souffrance et d’angoisse. Il vaut la peine de faire là-dessus quelques observations.

Nous avons déjà vu plus haut que la tombée de la nuit, qui détermine tant de choses en Italie, interrompt aussi les promenades en voiture des dimanches et des jours de fête. Là, point de police, point de gardes ; c’est une vieille coutume, une convention générale, qu’on monte et qu’on descend dans un ordre convenable ; mais, aussitôt qu’on sonne Y Ave Maria, personne ne