Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée


Des palefreniers en habits de fête amènent derrière la corde, dans les barrières, suivant l’ordre fixé par le sort, les chevaux sans bride et sans caparaçons. On leur attache ça et là avec des cordons des boules hérissées de pointes, et jusqu’au dernier moment, on couvre avec du cuir la place où les boules doivent les éperonner ; on leur attache aussi de grandes feuilles de clinquant. Ils sont déjà la plupart farouches et impatients quand on les amène dans les barrières, et les piqueurs fon^ tous leurs efforts, emploient toute leur adresse, pour les contenir. Le désir de commencer la course les rend indomptables ; la vue de tant de monde les effarouche. Ils sautent souvent par-dessus la barrière voisine, souvent par-dessus la corde, et ce mouvement-, ce désordre, rendent à chaque moment l’attente plus vive.

Les palefreniers sont sur leurs gardes et attentifs au plus haut point, parce qu’au moment du départ, l’adresse de celui qui lâche l’animal, tout comme les circonstances accidentelles, peut décider à l’avantage de l’un ou de l’autre cheval.

Enfin la corde tombe et les chevaux partent. Sur la place libre ils cherchent encore à se devancer les uns les autres, mais une fois qu’ils sont arrivés dans l’étroit espace entre les deux files de voitures, toute rivalité devient le plus souvent inutile. Une couple sont d’ordinaire en avant, qui courent de toutes leurs forces. Malgré la pouzzolane répandue, le pavé étincelle, les crinières volent, le clinquant résonne ; à peine les a-t-on vus qu’ils sont passés. Le reste de la troupe se presse, se pousse et se gêne ; quelquefois un retardataire arrive encore au galop ; les morceaux de clinquant déchirés voltigent sur leur trace. Bientôt les chevaux échappent au regard qui les suit ; le peuple se rapproche en foule et remplit de nouveau la carrière.

D’autres palefreniers attendent au palais de Venise l’arrivée des chevaux. On sait les prendre adroitement et les retenir dans un lieu fermé. Le prix est décerné au vainqueur.

C’est ainsi que se terminent ces réjouissances par une impression violente, soudaine, instantanée, que des milliers d’hommes attendaient depuis longtemps avec impatience, et bien peu sauraient s’expliquer pourquoi ils attendaient ce moment et pourquoi ils s’en faisaient une fête.