Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/495

Cette page n’a pas encore été corrigée

peut parcourir un grand espace en peu de temps, jusqu’à ce qu’il se voie arrêté par un nouvel obstacle.

Notre récit semble déjà passer les bornes du croyable, et nous oserions à peine le poursuivre, si tant de personnes qui ont assisté au carnaval de Rome ne pouvaient témoigner que nous nous en sommes tenu à l’exacte vérité, et si ce n’était pas une fête qui se répète tous les ans, et que plus d’un lecteur pourra observer à l’avenir, mon livre à la main. Que dirontils en effet, si nous leur déclarons que tout le récit qui précède n’est en quelque sorte que le premier degré de la cohue, du tumulte, du vacarme et de la licence ?

Tandis que les voitures avancent doucement, et font halte s’il survient un obstacle, les piétons sont tourmentés de diverses manières. La garde du pape passe et repasse à cheval à travers la presse, pour veiller au maintien de l’ordre et à la circulation des voitures, et, au moment où vous évitez la tête d’uïi cheval de carrosse, vous sentez à votre dos la tête d’un cheval de selle. Mais voici un plus grave inconvénient. Le gouverneur, dans un grand carrosse de parade, avec une nombreuse suite de voitures, passe entre les deux flics des autres équipages. La garde du pape et les coureurs avertissent et écartent la foule, et ce cortège prend pour un moment tout l’espace laissé aux piétons. Ils se serrent comme ils peuvent entre les autres voitures, et, d’une manière ou d’une autre, ils se tirent de côté. Et comme, au passage d’un navire, Feau ne se divise qu’un moment et se précipite pour se rejoindre derrière le gouvernail, la masse des masques et des autres piétons reforme aussitôt son courant derrière le cortège. Mais bientôt un nouveau mouvement trouble la multitude pressée : le sénateur s’avance dans un pareil équipage ; sa grande voiture de parade et les voitures de sa suite nagent comme sur les têtes de la foule écrasée, et, si tous les nationaux et les étrangers sont captivés et charmés par l’amabilité du sénateur actuel, le prince Rezzonico, c’est ici peut-être la seule occasion où une masse de gens se trouvent heureux quand il s’éloigne.

Ces deux cortèges des chefs de la magistrature et de la police romaine s’étaient contentés de parcourir le Corso le premier jour, pour ouvrir le carnaval d’une manière solennelle, mais le