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merveille le rôle d’une femme passionnée, querelleuse, que rien ne pouvait apaiser, et qui se prenait ainsi de querelle tout le long du Corso, adressait à chacun quelque apostrophe, tandis que sa compagnie semblait se donner toute la peine du monde pour la calmer.

Voici courant un polichinelle, qui se permet de représenter effrontément dans Rome la sainte ce que Rome païenne avait de plus impudique, et son espièglerie provoque plus de gaieté que de mécontentement. En voici un autre de même sorte, qui, plus modeste et plus satisfait, mène avec lui sa belle moitié.

Les femmes n’ayant pas moins de plaisir à se produire en hommes que les hommes à se montrer en femmes, elles n’ont pas manqué de s’accommoder le costume si populaire de polichinelle, et il faut avouer que souvent elles sont ravissantes sous cette figure équivoque.

Marchant d’un pas rapide et déclamant comme devant le tribunal, un avocat se pousse à travers la foule ; il crie aux fenêtres, il attaque les promeneurs, masqués ou non, menace chacun d’un procès, fait tantôt à l’un une longue histoire de crimes ridicules qu’il doit avoir commis, tantôt à l’autre un détail exact de ses dettes. Il reproche aux dames leurs sigisbées, aux jeunes filles leurs amants ; il cite à l’appui un livre qu’il porte sur lui, produit des documents et, tout cela, d’une voix perçante et avec une grande volubilité. Il cherche à embarrasser chacun, et à vous rendre confus. On croit qu’il a fini, et il recommence de plus belle ; on croit au’il s’en va, et il revient ; il va droit à celui-ci, et ne lui adresse pas la parole ; il en attaque un autre qui est déjà passé ; mais c’est quand il rencontre un confrère que la folie arrive à son paroxysme.

Cependant ces masques ne peuvent attirer longtemps sur eux* l’attention du public ; l’impression la plus folle est d’abord effacée par la multitude et la diversité.

Les quacqacri font moins de bruit que les avocats, mais ils n’attirent pas moins l’attention. Ce masque semble être devenu si commun par la facilité qu’on a de trouver chez le fripier des habits français à la vieille mode. Ce qu’on demande surtout pour ce déguisement, ce sont des habits français à l’antique,