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jour, jusqu’à ce qu’enfin une cloche du Capitole donne, aussitôt après midi, le signal annonçant qu’il est permis d’être fou à la face du ciel.

A ce moment, le grave Romain, qui se garde soigneusement de tout faux pas durant l’année entière, dépose tout à coup ses scrupules et sa gravité.

Les paveurs, qui ont battu la pierre jusqu’au dernier moment, se chargent de leur outil, et finissent leur travail en folâtrant. Tous les balcons, toutes les fenêtres, sont peu à peu décorés de tapisseries ; sur le haut du pavé, des d’eux côtés de la rue, on place des sièges ; les petites gens, les enfants, sont dans la rue, qui cesse d’être une rue ; elle ressemble plutôt à une grande salle de fête, à une immense galerie décorée. Car, de même que toutes les fenêtres sont parées de tentures, les échafaudages sont couverts de vieux tapis, les sièges nombreux donnent toujours plus l’idée d’une salle, et le ciel favorable fait rarement souvenir qu’on est sans toit. Peu à peu la rue semble donc toujours plus habitable. En sortant de chez soi on ne croit pas se trouver en plein air et parmi des étrangers, mais dans une salle parmi des connaissances.

Tandis que le Corso s’anime de plus en plus, et que, parmi les nombreux promeneurs qui portent leurs habits ordinaires, se montre ça et là un polichinelle, la garde s’est rassemblée devant la porte du Peuple ; conduite par le général à cheval, elle remonte le Corso en bon ordre, équipée de neuf, musique en tête. Elle occupe aussitôt tous les abords, établit une couple de corps de garde dans les places principales, et se charge de maintenir l’ordre pendant toute la fête.

Les loueurs de chaises et d’échafaudages ont soin de crier aux passants : Luoghi ! luoghi ! padroni, luoghi !

Les masques deviennent plus nombreux. De jeunes hommes, portant la parure de fête des femmes de la classe inférieure, se montrent d’abord en grand nombre, le sein découvert, avec l’air de coquettes hardies. Ils caressent les hommes qu’ils rencontrent, se montrent sans gêne et familiers avec les femmes, comme avec leurs pareilles, et se permettent tout ce que le caprice, l’esprit ou la grossièreté leur inspire.

Je me souviens entre autres d’un jeune homme qui jouait à