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jamais porté à la sépulture sans être accompagné par une confrérie déguisée. Les nombreux habillements de moines accoutument l’œil aux formes étranges et singulières ; le carnaval semble durer toute l’année, et les abbés en habit noir semblent représenter parmi les autres masques ecclésiastiques les nobles tabarri.

Dès le nouvel an, les théâtres sont ouverts et le carnaval a commencé. On voit ça et là dans les loges une belle travestie en officier, et montrant avec complaisance au peuple ses épaulettes. Les voitures des promeneurs sont plus nombreuses au Corso ; cependant l’attente générale est dirigée sur les derniers huit jours.

Divers préparatifs annoncent au public ces heures fortunées. Le Corso, qui est du petit nombre des rues de Rome qu’on tient propres toute l’année, est balayé et nettoyé plus soigneusement ; on est occupé à déterrer, dans les endroits où il semble un peu inégal, le beau pavé, formé de petits morceaux de basalte taillés en cubes assez pareils, et on les remet en place.

Outre cela on voit paraître de vivants avant-coureurs. Chaque soir de carnaval se termine, comme nous l’avons dit, par une course de chevaux. Ceux qu’on entretient dans ce but sont petits la plupart, et l’origine étrangère des meilleurs les a fait nommer barberi. Le cheval est couvert d’un caparaçon de toile blanche, qui colle exactement à la tête, au cou et au corps, et qui est garni aux coutures de rubans bariolés. On l’amène devant l’obélisque, à la place d’où il doit plus tard prendre sa course. On l’accoutume à tourner la tête vers le Corso, à rester quelque temps immobile ; ensuite on le promène doucement le long de la rue, et on lui donne devant le palais de Venise un peu d’avoine pour l’exciter à parcourir plus promptement sa carrière.

Comme on répète cet exercice avec la plupart des chevaux, qui sont souvent au nombre de quinze ou seize, et que cette promenade est toujours accompagnée d’un certain nombre d’enfants qui poussent des cris de joie, cela donne déjà un avant, goût du vacarme plus grand qui suivra bientôt.

Autrefois les premières familles de Rome nourrissaient de ces chevaux dans leurs écuries. On tenait à honneur qu’un de ces