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en grand nombre l’Église à Rome, éblouisse les yeux des spectateurs ; ici, point de feu d’artifice qui offre du château SaintAnge un spectacle unique et surprenant ; point d’illumination de Saint-Pierre et de sa coupole, qui attire tant d’étrangers de tous pays et qui les satisfait ; point de procession brillante, à l’approche de laquelle le «peuple doive prier et s’étonner : ici l’on se borne à donner un signal qui annonce que chacun peut se montrer aussi fou, aussi extravagant qu’il voudra, et qu’à l’exception des coups et du poignard, presque tout est permis.

La différence entre les grands et les petits semble un moment suspendue ; tout le monde s’approche ; chacun prend légèrement ce qui lui arrive ; la liberté et l’indépendance mutuelles sont tenues en équilibre par une bonne humeur universelle.

Pendant ces jours, le Romain s’applaudit de ce qu’en notre âge moderne la naissance de Christ a bien pu reculer les saturnales de quelques semaines, mais non les abolir.

Nous tâcherons de présenter à l’imagination de nos lecteurs les plaisirs et l’ivresse de ces jours. Nous nous flattons aussi d’être utiles aux personnes qui ont assisté elles-mêmes une fois au carnaval de Rome, et qui peuvent trouver quelque charme dans un vif souvenir de ces moments ; aux personnes aussi qui sont destinées à faire ce voyage et auxquelles cette courte notice peut offrir la vue générale et la jouissance d’un plaisir tumultueux, qui passe à grand bruit.

Le carnaval de Rome se concentre dans le Corso. Celte rue limite et détermine les réjouissances publiques. A une autre place ce serait une autre fête, et nous devons avant tout décrire le Corso.

Comme plusieurs longues rues des villes italiennes, il tire ce nom des courses de chevaux qui terminent, à Rome, chaque journée du carnaval, et, en d’autres villes, d’autres solennités, comme la fête patronale ou l’inauguration d’une église. La rue s’étend de la place du Peuple en droite ligne jusqu’au palais de Venise ; elle a environ trois mille cinq cents pas de long, et elle est bordée de hauts édifices, la plupart magnifiques. Sa largeur n’est pas proportionnée à sa longueur et à la hauteur des mai-