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figures et ses tropes vicieux, surtout avec ses hyperboles, ses métonymies et ses métaphores sans trêve et sans mesure, elle avait sacrifié absolument l’agréable et le doux, qu’on aime à trouver dans la forme d’un ouvrage.

Ces écrivains, convaincus d’erreur, insultèrent cependant, suivant l’usage, le vrai et l’excellent, afin de rendre à l’avenir leurs abus inviolables ; les hommes sages et cultivés ne purent souffrir la chose plus longtemps, si bien qu’en 1690, un certain nombre d’hommes énergiques et prudents se réunirent et convinrent d’entrer dans une autre voie. Mais, pour que leurs assemblées ne fissent pas sensation et n’occasionnassent pas une réaction, ils se réunirent en plein air dans les jardins dont Rome elle-même renferme en ses murs un assez grand nombre. Ils y gagnèrent en même temps de se rapprocher de la nature, et de respirer dans l’air vivifiant le souffle primitif de la poésie. Là, dans des places agréables, ils se couchaient sur le gazon, ils s’asseyaient sur des débris d’architecture et des blocs de pierre, et les cardinaux présents y trouvaient pour toute distinction un siège plus moelleux. Ces hommes s’entretenaient de leurs convictions, de leurs maximes, de leurs projets ; on lisait des vers et l’on s’efforçait de faire revivre l’esprit de l’antiquité et celui de la noble école toscane. Tout à coup quelqu’un s’écria, dans son ravissement : « C’est ici notre Arcadie ! » De là le nom de la société, comme le caractère idyllique de son institution. On ne voulut point la placer sous la protection d’un grand et puissant personnage ; point de chef, point de président : un custode était chargé d’ouvrir et de fermer les domaines de l’Arcadie, et, dans les cas les plus nécessaires, on nommait un conseil d’anciens pour l’assister.

11 faut citer ici avec honneur le nom de Crescimbeni, qui peut être considéré comme un des fondateurs, et qui remplit le premier fidèlement pendant nombre d’années les fonctions de custode, sachant faire régner un goût meilleur et plus pur et repousser de plus en plus la barbarie. Ses dialogues sur la Poesia volgare, par où il ne faut pas entendre la poésie populaire, mais la poésie qui convient à un peuple, quand elle est cultivée par des talents vrais, décidés, et n’est pas défigurée par les caprices et les bizarreries de quelques rêveurs, ses dialo-