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année, je devienne amoureux d’une princesse pour être en état d’écrire le Tasse, et il faut que je me donne au diable pour écrire Faust, quoique je me sente peu disposé à l’un et à l’autre. Jusqu’ici, c’est comme cela que les choses se sont passées. Pour me rendre à moi-même mon Egmont intéressant, le Kaiser1 romain s’est pris de querelle avec les Brabançons, et, pour donner à mes opéras une certaine perfection, le Kayser zuricois est venu à Rome. C’est là vivre en noble Romain, comme dit Herder, et je trouve fort plaisant de devenir la cause finale des actions et des événements dont je ne suis nullement l’objet. On peut nommer cela du bonheur. Ainsi donc, je vais attendre avec patience le diable et la princesse.

Mes idées titaniques n’étaient que des fantômes qui présageaient une époque plus sérieuse. Je suis plongé maintenant dans l’étude de la figure humaine, qui est le non plus ullra du savoir et de l’activité de l’homme. L’étude préparatoire que j’ai faite de la nature entière, surtout l’ostéologie, m’aide à faire de grands pas. C’est maintenant que je vois, que je goûte, ce qui nous est resté de plus sublime de l’antiquité, je veux dire les statues. Oui, je reconnais bien qu’on peut étudier toute sa vie, et qu’on serait tenté de s’écrier à la fin : « Ce n’est qu’à présent que je vois, à présent que je jouis. »

Je ramasse tout ce que je puis, pour clore vers Pâques une époque déterminée, à laquelle mon œil atteint maintenant, et ne pas quitter Rome avec une répugnance décidée. J’espère pouvoir continuer à mon aise et approfondir en Allemagne quelques études, quoique assez lentement. Ici, le courant nous entraîne, aussitôt que nous avons mis le pied sur la nacelle.

Souvenirs du mois de janvier.

Cupidon, méchant, capricieux enfant, tu m’avais prié de te loger pour quelques heures : combien de jours et de nuits es-tu resté ? Et tu es devenu seigneur et maître du logis !

Je suis chassé de ma large couche ; maintenant, assis par terre, je


1. L’empereur. C’est de Joseph II qu’il s’agit.