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quelles j’ai vécu dans un état de passivité, j’ai eu, je puis le dire, les révélations les plus belles. Il m’est permis de porter mes regards dans la nature des choses et dans leurs rapports, qui m’ouvrent un abtme de richesse. Ces effets se développent dans mon esprit, parce que j’apprends toujours et que j’apprends des autres. Quand on s’instruit soi-même, la force qui travaille et celle qui met en œuvre est la même, et les progrès doivent être plus petits et plus lents.

L’étude du corps humain me possède tout entier ; devant elle tout le reste s’efface. A cet égard, j’ai éprouvé toute ma vie et j’éprouve encore un sort étrange. N’en parlons pas : le temps nous apprendra ce que j’aurai pu faire encore.

Les opéras ne m’amusent point ; ce qui est profondément et éternellement vrai peut seul me plaire aujourd’hui.

J’arriverai vers Pâques à une époque culminante, je le sens. Que sera-t-elle ? je l’ignore.

Rome 10 janvier 1788.

Tu recevras E-rwin et Elmire avec cette lettre. Puisse cette petite pièce te faire aussi plaisir ! Mais une opérette, si elle est bonne, ne peut jamais satisfaire à la lecture : il y faut la musique, pour exprimer toute l’idée du poète. Claudine suivra bientôt. Ces deux pièces sont plus travaillées qu’il ne semble d’abord, parce que je suis enfin arrivé à bien étudier avec Kayser la forme de l’opéra.

Je continue à dessiner assidûment le corps humain, et j’ai, le soir, la leçon de perspective. Je me prépare au délogement, afin de m’y résigner avec courage, si les immortels l’ont ainsi résolu pour Pâques. Advienne ce qui est bon !

L’intérêt que je prends à la figure humaine efface tout le reste. Je le sentais bien et je m’en détournais toujours, comme on se détourne de l’éblouissante lumière du soleil. D’ailleurs toutes les études qu’on peut faire hors de Rome sur ce sujet sont inutiles. Sans un fil qu’on n’apprend à filer qu’ici, on ne peut se démêler de ce labyrinthe. Par malheur, mon fil n’est pas assez long, mais il me guidera du moins à travers les premiers détours.

Si l’achèvement de mes ouvrages se poursuit sous des astres toujours également favorables, il faut que, dans le cours de cette