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impérissable dignité, et rien n’était plus naturel que de les contempler avec une intime tristesse.

Si les monuments antiques se trouvaient, après tant de siècles, réduits la plupart à des masses informes, à la vue des pompeux édifices modernes, encore debout, il fallait également déplorer tant de familles qu’on avait vues depuis tomber en décadence. Même, -ce qui subsistait encore plein de vie semblait atteint d’un ver rongeur ; en effet, comment une chose terrestre se maintiendrait-elle de nos jours, sans véritable force physique, par les seuls appuis moraux et religieux ? Et tout comme une pensée sereine réussit à ranimer même la ruine, ainsi qu’une végétation fraîche, immortelle, à revêlir de vie des murs écroulés et des blocs épars, une pensée triste dépouille l’être vivant de sa plus belle parure, et voudrait nous le présenter comme un affreux squelette.

Nous pensâmes aussi à faire avant l’hiver, en joyeuse sociét ;’-, une course de montagnes, mais je ne pus m’y résoudre avant de m’être assuré que la malade se portait mieux, et que je pourrais, par les arrangements que je pris, recevoir la nouvelle de sa guérison aux lieux mêmes où j’avais appris à la connaître, dans les plus beaux jours d’automne, pleine de grâce et d’enjouement.

Les premières lettres que je reçus de Weimar après l’envoi d’Egmont renfermaient déjà quelques réflexions critiques. Cela me conduisit à faire de nouveau l’ancienne observation, que l’amateur dépourvu du sens poétique, et qui se complaît dans sa tranquillité bourgeoise, rencontre une pierre d’achoppement là où le poëte a tdché de résoudre, de colorer ou de dissimuler un problème. Il faut, pour satisfaire le lecteur indolent, que tout suive une marche naturelle ; mais l’extraordinaire peut aussi être naturel : seulement il ne le paraît pas à celui qui persiste obstinément dans ses vues particulières. J’avais reçu une de ces lettres, je la pris et je me rendis à la villa Borghèse. Là, je dus lire que quelques scènes seraient jugées trop longues. J’y réfléchis ; mais alors même je n’aurais su comment les abréger, ayant à dé\ -lopper des idées si importantes. Ce qui paraissait le plus condamnable à mes amis, c’était le legs laconique par lequel Egmont recommande à