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les fluctuations du goût dans les arts, les efforts pour arriver à la grandeur simple, le retour aux petites formes compliquées, tout annonçait la vie et le mouvement ; l’histoire de l’art et celle de l’humanité s’offraient à nous sous forme synchronistique.

Si nous ne pouvons méconnaître que la grandeur est passagère, cela ne doit pas nous décourager ; au contraire, quand nous trouvons que le passé a été grand, cela doit nous animer nous-mêmes à faire quelque chose de considérable, qui, fût-il même tombé en ruine, porte nos successeurs à une noble activité ; et c’est à quoi nos devanciers n’ont jamais manqué.

Cette contemplation instructive et sublime, à laquelle je me livrais, fut, je ne dirai pas troublée et interrompue, mais entremêlée d’un sentiment douloureux, qui m’accompagnait partout. J’avais appris que le fiancé de la charmante Milanaise avait, je ne sais sous quel prétexte, retiré sa parole et manqué à sa promesse. Or, si, d’un côté, je m’estimais heureux de ne m’être pas livré à mon inclination, et de m’être éloigné trèspromptument de l’aimable jeune fille (après une exacte information, je sus que, parmi les prétextes allégués, il n’avait pas été fait la plus petite mention de notre villégiature), cependant ce me fut une chose très-sensible, de me représenter désormais triste et défigurée la charmante image qui m’avait accompagné jusqu’alors gracieuse et riante. Car j’appris aussitôt qu’à la suite de cet événement, la chère enfant, saisie de frayeur et de désespoir, avait été prise d’une fièvre violente qui faisait craindre pour sa vie. Et, comme je faisais demander chaque jour de ses nouvelles, et même deux fois par jour dans les premiers temps, je souffrais cruellement à me figurer quelque chose d’impossible, à me représenter ce visage serein, fait pour briller à la riante lumière du jour, cette expression d’une vie ingénue et doucement épanouie, désormais obscurcie par les larmes, défigurée par la maladie ; et cette fleur de jeunesse, sitôt languissante et flétrie par les souffrances de l’dme et du corps.

Dans cette disposition d’esprit, je ne pouvais rien désirer de mieux qu’une diversion passante, qui m’offrait une suite d’objets du plus grand caractère, dont les uns occupaient assez les yeux par leur présence, les autres l’imagination par leur