Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/467

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour chasser le malin esprit ; on a même ouvert un livre pour y chercher quelque formule efficace contre ce mal, mais inutilement. Dans ce moment, apparaît l’unique libérateur, et il apparaît glorifié, reconnu par son grand prédécesseur ; on se hâte de signaler là-haut cette vision, comme la seule source du salut. Comment veut-on séparer ce qui est en haut et ce qui est en bas ? Les deux ne font qu’un. En bas, la souffrance, le besoin ; en haut, la force, le secours, l’un se rapportant à l’autre, l’un agissant sur l’autre. Pour exprimer ma pensée d’une autre manière : une relation idéale avec le réel peut-elle se séparer de celui-ci ?

Une résolution comme celle que nous avions prise, de faire en bonne compagnie une rapide revue de Rome, ne put s’effectuer selon notre plan avec une parfaite indépendance : tantôt l’un tantôt l’autre nous manquait, retenu peut-être accidentellement ; d’autres personnes se joignaient à nous pour observer •sur leur passage tel ou tel objet remarquable ; mais le noyau se maintint ; il sut tantôt accueillir les nouveaux venus, tantôt les écarter, et tour à tour demeurer en arrière ou prendre les devants. Il va sans dire que nous dûmes quelquefois entendre exprimer de singuliers jugements.

Pour moi, j’eus dans cette promenade le sentiment, l’idée, l’intuition, de ce qu’on pouvait appeler, dans le sens le plus élevé, la présence du sol classique ; j’entends par là cette conviction produite dans l’esprit par les sens, que là fut jadis la grandeur, qu’elle y est encore, qu’elle y sera. Les choses les plus grandes et les plus magnifiques doivent périr ; cela est dans la nature du temps et des éléments moraux et physiques, qui agissent sans obstacle les uns sur les autres ; aussi, dans cette revue générale, ne pouvions-nous passer tristement devant les monuments détruits : au contraire, nous avions lieu de nous réjouir de voir tant de choses conservées, et tant d’autres reconstruites, plus magnifiques et plus colossales qu’elles ne l’avaient jamais été. L’église de Saint-Pierre est certes grandement conçue, et plus grandement, plus hardiment, qu’un des anciens temples ; et nous n’avions pas seulement devant nos yeux ce que deux mille ans ont dû détruire, mais aussi ce qu’une culture plus avancée a pu produire de nouveau. Même