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les portes d’un arc de triomphe, dans un grand bassin digne d’elle, et qu’elle remplit jusqu’au bord. Un aqueduc restauré par Paul V amène jusque-là cette rivière de derrière le lac Bracciano, en décrivant, dans l’espace de vingt-cinq milles, un zigzag étrange, commandé par des collines alternantes ; l’eau pourvoit aux besoins de divers moulins et fabriques, pour se répandre en même temps dans le Trastévère.

Les amis de l’architecture approuvèrent l’heureuse pensée d’avoir ouvert à ces eaux une entrée publique et triomphale. Les colonnes et les arcs, les entablements et les attiques, rappellent ces portes somptueuses par lesquelles autrefois les généraux victorieux avaient coutume de faire leur entrée. Ici le plus paisible des bienfaiteurs entre avec la même force et la même puissance, et reçoit d’abord, pour la fatigue de sa longue course, le tribut de l’admiration et de la reconnaissance. Les inscriptions nous disent aussi que la sollicitude et la bienfaisance d’un pape de la maison Borghèse font ici comme une entrée solennelle, éternelle et continue. Un voyageur du Nord, arrivé depuis peu de temps, trouvait cependant qu’on aurait mieux fait d’entasser là des rochers sauvages pour ouvrir à ces flots une issue plus naturelle. On lui répondit que ce n’était point là une eau naturelle, mais artificielle, et qu’en décorant l’entrée avec les ressources de l’art, on n’avait rien fait que de légitime.

Mais on s’accorda là-dessus tout aussi peu que sur le magnifique tableau de la Transfiguration, que nous eûmes aussitôt après l’occasion d’admirer dans le cloître voisin. On débita beaucoup de paroles. Les plus calmes se fichèrent toutefois d’entendre répéter l’ancienne critique de la double action. Mais on voit sans cesse dans le monde une monnaie sans valeur avoir un certain cours à côté d’une autre qui a une valeur intrinsèque, surtout quand il s’agit de sortir d’affaire promptement et d’égaliser certaines différences, sans beaucoup de lenteur et de réflexions. Cependant il y a toujours lieu de s’étonner qu’on ait jamais osé élever des critiques contre la grande unité d’une conception pareille. En l’absence du Seigneur, des parents inconsolables présentent à ses disciples un jeune garçon possédé du démon ; peut-être ont-ils déjà fait des tentatives