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qui perdent leur temps ou qui s’égarent, et qui veulent cependant qu’on les tienne pour messagers et voyageurs. Je les poursuis de mes railleries jusqu’à ce qu’ils changent de vie ou qu’ils s’éloignent de moi. On m’entend bien, il n’est ici question que des hommes bons et droits : tous les gens médiocres, tous les esprits mal faits, sont mis à la porte sans cérémonie. Deux hommes et même trois me doivent leur changement de vie et de sentiments, et ils m’en sauront gré jusqu’à la mort. C’est là, c’est sur le point de l’activité de mon être, que je sens la vigueur et l’étendue de ma nature ; mes pieds ne sont douloureux que dans des souliers étroits, et je ne vois rien quand on me place devant un mur.

Souvenir* do moi» de décembre*

Le mois de décembre avait commencé avec une température sereine assez égale, et cela nous suggéra une idée qui devait procurer des jours bien agréables à une joyeuse société. Supposons, avons-nous dit, que nous venons d’arriver à Rome et que nous sommes des voyageurs pressés, qui doivent voir à la hâte les objets les plus remarquables. Commençons une revue dans cette idée, afin que les choses déjà connues fassent sur notre esprit et sur nos sens une impression nouvelle. Cette idée fut mise aussitôt a exécution et suivie avec assez de persévérance. En voici quelques souvenirs.

Au-dessous de Rome et à quelque distance du Tibre, s’élève une église de moyenne grandeur dans le lieu dit Aux trois Fontaines. Quand saint Paul fut décapité, ces fontaines jaillirent, dit-on, de son sang et elles coulent encore aujourd’hui. L’église se trouve d’ailleurs dans un endroit bas, et les tuyaux qui jettent l’eau dans l’intérieur augmentent l’humidité. Elle est peu ornée et presque délaissée ; on se borne à la tenir propre, malgré la moisissure, pour le service divin, qu’on y célèbre rarement. Mais son grand ornement est un Christ avec ses Apôtres, peints de grandeur naturelle, d’après les dessins de Raphaël, à la suite les uns des autres, sur les piliers de la nef. Ce