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procuré, qu’on eût essayé et accordé un clavecin, et qu’il fût arrangé selon la fantaisie du capricieux artiste, qui y trouvait toujours quelque chose à dire et à désirer. Cependant nous fûmes bientôt dédommagés de toutes ces peines et ces retardements £ar les productions d’un artiste plein de souplesse, parfaitement à la hauteur de son époque, et qui exécutait aisément la musique la plus difficile de ce temps-là. Et pour que le dilettante sache tout de suite de quoi il est question, je ferai observer que Schoubart passait alors pour incomparable, et que la pierre de touche du pianiste exercé était l’exécution de variations, dans lesquelles un thème simple, modulé artistement, reparaissait enfin dans sa forme naturelle, et permettait à l’auditeur de reprendre haleine. Kayser avait aussi apporté la symphonie d’Egmont, et cela m’excita toujours davantage à m’occuper du théâtre lyrique, vers lequel me portaient alors plus que jamais mon goût et la nécessité.

La présence de notre Kayser éleva et étendit notre amour de la musique, qui s’était borné jusque-là aux œuvres théâtrales. Kayser s’enquérait soigneusement des fêtes d’église, et nous fûmes ainsi conduits à écouter les musiques solennelles qu’on exécutait ces jours-là. Nous les trouvions assurément très-mondaines, avec orchestre au grand complet, quoique le chant dominât toujours. Je me souviens d’avoir entendu pour la première fois, à la fête de Sainte-Cécile, un air de bravoure soutenu par un chœur. Il produisit sur moi un effet extraordinaire, comme en éprouve le public, quand des airs de ce genre se rencontrent dans les opéras.

Kayser avait encore un autre mérite : comme il s’occupait beaucoup d’aneienne musique, il devait faire de sérieuses recherches sur l’histoire de cet art ; il consultait les bibliothèques, et son application soutenue lui avait fait trouver un bon accueil et des encouragements surtout dans laMinerva. Ses recherches de bibliophile eurent pour effet de nous rendre attentifs aux vieilles gravures du seizième siècle ; et, par exemple, il ne manquait pas de nous rappeler le Spéculum Romanx magnificentijs, les Architectures de Lomazzo ; ainsi que les Admiranda Romx et autres ouvrages semblables. Ces collections de livres et de gravures, qui recevaient aussi nos pieuses visites, ont surtout une