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teindre à l’éclat de la nature, et pourtant vous croirez la chose impossible. Ce qu’il y a de plus beau, c’est que les couleurs vives, dans le moindre éloignement, sont adoucies par le ton de l’air, en sorte que l’opposition des tons froids et des tons chauds est tout à fait visible. Les ombres claires, azurées, contrastent délicieusement avec le vert, le jaune, le rougeâtre, le bleuâtre, éclairés, et se marient avec le lointain bleuâtre et va’poreux. C’est un éclat et, en même temps, une harmonie, une dégradation dans l’ensemble, dont on n’a dans le Nord aucune idée. Chez vous tout est dur ou nébuleux, bariolé ou monotone. Du moins, je n’ai vu, autant qu’il m’en souvienne, que rarement des effets isolés qui me donnassent un avant-goût de ce qui se présente ici à moi tous les jours et à toute heure. Peutêtre, aujourd’hui que mon œil est plus exercé, trouverai-je aussi dans le Nord plus de beautés.

Souvenir !» ilii mois de novembre.

Comme je songeais en silence à me détacher peu à peu, je me vis retenu par un nouveau lien, grâce à l’arrivée d’un excellent et ancien ami, Christophe Kayser, de Francfort. Doué par la nature d’un talent musical particulier, il avait entrepris longtemps auparavant de mettre en musique Badinage, Ruse et Vengeance1, et d’adapter aussi une musique convenable à Eymonl-. Je lui avais mandé de Rome que la pièce était partie et qu’une copie en était restée dans mes mains. Au lieu d’entamer là-dessus une longue correspondance, nous trouvâmes plus à propos qu’il vînt sur-le-champ. Comme il traversa aussitôt l’Italie au vol avec le courrier, il ne tarda pas à nous rejoindre, et il se vit accueilli amicalement dans le cercle d’artistes qui avait fixé son quartier général au Corso, vis-à-vis du palais Rondanini.

Mais bientôt, au lieu du recueillement et de la concentration si nécessaires, survinrent des distractions et une dissipation nouvelles. D’abord il s’écoula plusieurs jours avant qu’on se fût


1. Petite pièce de Goethe.