Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour moi une grande joie. Fasse le ciel que rien ne vienne à la traverse !

Vous demandez, mes amis, que je vous parle de moi : vous voyez que je n’y manque pas. Quand nous serons réunis, j’aurai bien des choses à vous dire. J’ai eu l’occasion de réfléchir beaucoup sur moi et sur les autres, sur le monde et sur l’histoire, et je vous présenterai, à ma manière, sinon des choses nouvelles, du moins de bonnes choses. Tout cela se trouvera compris et renfermé dans WUhelm Meister,

Moritz a été jusqu’à présent ma société la plus chère, et pourtant j’ai craint et je crains même encore qu’il ne devienne avec moi plus habile seulement, sans devenir plus sage, meilleur et plus heureux. Cette crainte me détourne toujours de m’ouvrir à lui tout à fait.

En général, je me trouve fort bien de vivre avec beaucoup de gens. J’observe le caractère et la conduite de chacun. L’un joue son jeu et non pas l’autre ; l’un fera son chemin, l’autre aura de la peine à le faire ; l’un recueille, l’autre disperse ; à l’un tout suffit, à l’autre rien ; l’un a du talent et ne l’exerce pas, l’autre n’en a point et travaille sans relâche. Je vois tout cela, et moi au milieu ; cela m’amuse, et, comme tout ce monde m’est étranger, que je ne lui dois compte de rien, je n’éprouve jamais de mauvaise humeur. C’est seulement, mes chers amis, quand chacun agit à sa manière, en exigeant encore que l’on forme un ensemble, qu’on le maintienne, et surtout en voulant l’exiger de moi, c’est alors qu’il ne reste plus qu’à fuir ou à devenir fou.

Castel-Gandolfo, le 8 octobre.

Ou plutôt le 12, car la semaine s’est écoulée sans que j’aie pu me mettre à écrire. Nous vivons ici comme aux eaux ; seulement je me tiens à l’écart le matin pour dessiner, puis il faut être tout le reste du jour à la société, ce qui me convient tout à fait pour ce peu de jours. Je vois du monde, et beaucoup à la fois, sans grande perte de temps. Angélique est aussi des nôtres, et demeure dans le voisinage. Puis nous avons quelques vives jeunes filles, quelques dames ; la société est joyeuse, et il se trouve toujours quelque sujet de rire.

Le soir, on va au spectacle, où Polichinelle est le principal