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ment en pays étranger. Avec sa connaissance pratique du cœur humain, il savait parfaitement combien la simple contemplation fatigue, et combien il lui était nécessaire d’amuser et de tranquilliser ses amis en leur donnant de quoi s’occuper eux-mêmes. Il avait choisi pour cela deux objets sur lesquels il avait coutume de diriger leur activité, la peinture à l’encaustique et la fabrication des pierres artificielles. Il m’avait initié avec obli- . geance et avec zèle à ces exercices, mais il vit bientôt qu’une occupation continuelle du genre de celle-là ne me plaisait pas ; que mon véritable penchant me portait à exercer le plus possible mon œil et ma main en copiant la nature et les objets d’art. Aussi, la grande chaleur était à peine passée, qu’il me conduisit, en compagnie de quelques artistes, à Frascati, où l’on trouvait dans une maison particulière, bien établie, le logement et les choses les plus nécessaires ; on passait tout le jour en plein air, et l’on se réunissait avec plaisir, le soir, autour d’une grande table d’érable. Georges Schutz de Francfort, artiste habile, mais non d’un talent éminent, et plutôt, avec de bonnes manières, homme de plaisir que travailleur assidu, d’où venait que les Romains l’appelaient aussi il barone, m’accompagnait dans mes promenades et me rendit de nombreux services. Si l’on réfléchit qu’à Rome les siècles ont accumulé les plus nobles ouvrages d’architecture ; que les pensées d’artistes excellents s’élevèrent, s’offrirent aux regards sur les puissantes substructions qui restent encore, on comprendra combien l’âme et les sens doivent être enchantés, lorsque, sous quelque jour que ce soit, ces lignes horizontales, si diverses, et ces mille lignes verticales, interrompues et décorées, se déploient devant nos yeux comme une musique muette, et comment tout ce qu’il y a chez nous de petit et de borné se voit, non sans douleur, heurté et rejeté. La richesse des effets de clair de lune est surtout inimaginable, alors que tous les détails qui amusent, il faudrait dire peutêtre qui distraient, s’effacent entièrement, et que les grandes masses de lumière et d’ombre offrent à l’œil des corps gigantesques d’une grâce infinie, d’une harmonie symétrique.

Une vue magnifique, mais non pas inattendue, s’ofî’rit à nous des fenêtres de la villa du prince Aldobrandini, qui, se trouvant alors à la campagne, nous invita obligeamment, et nous fit les