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Je suis frappé de cette idée que, dans une grande ville, dans un vaste cercle, le plus pauvre, le plus chétif, se sent, et que, dans un petit endroit, le meilleur, le plus riche, ne se sent pas, ne peut respirer.

Frascati, 28 septembre 1787.

Je suis ici très-heureux : tout le jour, et jusqu’à la nuit, on dessine, on peint, on colle, on exerce ex professa l’art et le métier. Le conseiller Reiffenstein, mon hôte, me tient compagnie, et nous sommes gais et joyeux. Le soir, nous visitons les villas au clair de lune, et, même dans l’obscurité, nous dessinons les effets les plus frappants. Nous en avons découvert quelques-uns que je voudrais seulement exécuter un jour. J’espère que le temps de l’achèvement viendra aussi. Mais l’achèvement est éloigné lorsqu’on voit loin.

J’aurai probablement le plaisir de voir Kayser à Rome, et la musique viendra me joindre encore, pour compléter le cercle que les arts forment autour de moi, comme s’ils voulaient m’empêcher de tourner les yeux vers mes amis. Et cependant j’ose à peine toucher à ce chapitre, vous dire combien de fois je me sens très-isolé et quelle impatience me prend d’être auprès de vous. Au fond, je vis dans une véritable ivresse : je ne veux ni ne puis porter plus loin mes pensées.

Je passe avec Moritz de belles heures. J’ai entrepris de lui expliquer mon système des plantes, et j’écris chaque fois en sa présence jusqu’où nous sommes arrivés. C’est seulement ainsi que je pouvais rédiger une part de mes pensées. A quel point devient saisissable l’idée la plus abstraite, quand elle est présentée avec la bonne méthode et qu’elle trouve une intelligence préparée, c’est ce que je vois dans mon nouvel écolier. Il prend à la chose un grand plaisir, et il anticipe toujours lui-même sur les conclusions. Néanmoins cela est difficile à écrire, et il est impossible de le comprendre sur une simple lecture, si précise et si nette que fût l’exposition. Je me trouve donc heureux parce que « je suis dans ce qui est de mon Père. *> Saluez de ma part tous ceux qui se réjouissent de mon bonheur, et qui, directement ou indirectement, m’aident, m’encouragent et me soutiennent.