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dans la plus belle nuit d’été, un brillant concert, qui a rassemblé une grande foule de gens sous les fenêtres ouvertes ; et de même que s’ils eussent été au théâtre, ils ont applaudi les chants comme il faut.

Mais ce qu’il y eut de plus étrange, c’est qu’une grande voiture, qui portait un orchestre d’amateurs, auquel il avait plu de faire pendant la nuit leur ronde joyeuse par la ville, s’arrêta sous nos fenêtres et, après qu’ils eurent applaudi vivement aux chants qui partaient d’en haut, une excellente basse-taille, accompagnée de tous les instruments, entonna un des airs les plus agréables de l’opéra dont notre société exécutait des morceaux détachés. Nous applaudîmes à notre tour de toutes nos forces, le public se joignit à nous, et chacun assura qu’il avait pris part à bien des fêtes nocturnes de ce genre, mais qu’il n’avait jamais goûté, par aventure, un plaisir aussi complet.

Dès lors notre demeure, de belle apparence, il est vrai, mais tranquille, située vis-à-vis du palais Rondanini, attira tout à coup sur elle l’attention du Corso. Un riche milord, disait-on, s’y était sans doute établi, mais personne ne sut le reconnaître et le démêler parmi les étrangers connus. Assurément, si une pareille fête avait dû être payée à beaux deniers comptants, ce que des artistes avaient fait ici pour l’amour d’autres artistes, et qui s’était accompli à peu de frais, aurait occasionné une dépense considérable. Nous reprîmes aussitôt après notre vie tranquille, mais nous ne pûmes empêcher les gens de nous croire des personnes d’une grande richesse et d’une noble naissance.

Cependant l’arrivée du comte Friess vint donner une nouvelle vie aux plaisirs de la société. Il était accompagné de l’abbé Casti, qui nous divertissait par la lecture de ses Nouvelles valantes, encore inédites. Son débit aisé et joyeux animait au plus haut point ces peintures ingénieuses où l’originalité abonde. On trouvait aussi chez le comte Priess quelques-uns de ces littérateurs qui se produisent ici dans les cercles en costume d’abbés. Il était impossible d’avoir avec eux une conversation agréable. A peine avait-on commencé à parler de poésie nationale et cherché à s’éclairer sur quelque point, qu’on nous demandait brusquement lequel nous estimions le plus grand poète, du