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Rome, mardi 17 juillet.

J’ai été, le soir, chez Albacini, le restaurateur de statues antiques, pour voir un torse, trouvé dans la collection Parnèse, qu’on envoie à Naples. C’est le torse d’un Apollon assis. Il est d’une beauté peut-être sans égale. On peut du moins le ranger parmi les plus précieux restes de l’antiquité.

J’ai dîné chez le comte Friess ; l’abbé Casti, qui voyage avec lui, nous a lu une de ses nouvelles, l’Archevêque de Prague, écrite en ottave rime. Elle n’est pas fort décente, mais extraordinairement jolie. J’estimais déjà l’abbé Casti comme auteur du Re Teodoro in Venezia. Il a écrit depuis un Re Teodoro in Corsica, d.ontj’ai lu le premier acte. C’est aussi un délicieux ouvrage.

Le comte Friess achète beaucoup. Il a entre autres fait emplelle d’une madone d’André del Sarto pour six cents sequins. Au mois de mars dernier, Angélique en avait offert quatre cent cinquante, et elle aurait donné le surplus, si son mari, fort économe, n’avait eu quelques objections à faire. Maintenant ils ont des regrets tous les deux. Ce tableau est d’une beauté inimaginable. Voilà comme il se présente journellement quelque chose nouvelle, qui s’ajoute aux anciennes et durables, et procure un grand plaisir. Mon œil se forme : avec le temps, je pourrai devenir connaisseur.

Tischbein se plaint dans une lettre de l’effroyable chaleur de Naples. A Rome elle est aussi assez forte. Elle a été si violente mardi, que des étrangers assuraient n’en avoir pas senli de pareille en Espagne et en Portugal. Egmont est déjà heureusement arrivé au quatrième acte. J’espère qu’il vous fera plaisir. Je pense avoir fini dans trois semaines ! Je l’enverrai à Herder aussitôt après. Je dessine et j’enlumine aussi assidûment. On ne peut sortir de chez soi, on ne peut faire la plus petite promenade, sans rencontrer des choses du plus grand caractère. Mon imagination, ma mémoire, s’enrichissent d’objets d’une beauté infinie.

Rome, 20juillcl 1787.

J’ai fort bien démêlé depuis quelque temps deux de mes défauls capitaux, qui m’ont poursuivi et tourmenté toute ma vie.