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objets leur place, en sorte qu’ils soient là désormais de telle façon et non autrement. J’aurais maintenant beaucoup à dire sur l’art, mais, si l’on n’a pas les ouvrages sous les yeux, que peut-on dire ? J’espère m’élever au-dessus de maintes petitesses. C’est pourquoi, veuillez me laisser mon temps, que je passe ici d’une manière si merveilleuse et si singulière ; laissez-le-moi par l’approbation de votre amitié. Cette fois, je suis contraint deh’nir,et je vous envoie à regret une page blanche. La chaleur a été grande aujourd’hui, et vers le soir je me suis endormi.

Rome, 9 juillet 1787.

A l’avenir, je veux écrire quelque chose pendant la semaine, de peur que la chaleur du jour de la poste ou quelque autre accident ne m’empêche de vous adresser quelques paroles raisonnables. Hier j’ai beaucoup vu et revu. J’ai visité peut-être douze églises, où se trouvent les plus beaux tableaux de retable. Puis je suis allé avec Angélique chez l’Anglais Moore, peintre de paysage, dont les tableaux sont, en général, très-bien conçus. Il a peint entre autres un déluge, qui est quelque chose d’unique. Tandis que d’autres nous présentent une mer ouverte, ce qui ne donne toujours que l’idée d’eaux étendues et non de hautes eaux, il a présenté une haute vallée, une vallée fermée, dans laquelle les eaux, qui montent sans cesse, unissent par se précipiter aussi.

On voit, à la forme des rochers, que la hauteur de l’eau approche des sommets, et, comme la vallée est fermée par derrière, que tous les rochers sont à pic, cela produit un effet terrible. Le tableau est peint comme gris sur gris ; l’eau bourbeuse, bouillonnante, et la pluie continue se confondent ; l’eau seprécipite et ruisselle des rochers, comme si ces masses énormes voulaient ellesmêmes se résoudre dans l’élément général ; le soleil perce à travers ce crêpe humide, comme une triste lune, sans éclairer, et pourtant il ne fait pas nuit. Au milieu du premier plan est une roche plate, isolée, sur laquelle quelques hommes en déJjeesse se sauvent au moment où le flot s’élève et menace de les couvrir. Je ne dirai rien des autres tableaux, d’un matin magnifique, d’une nuit admirable.

Il y a eu trois jours de fête à Ara-Cœli pour la béatification de