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maintenant, je saurai seulement quel sens ne s’est pas encore développé chez moi.

L’Hercule Farnèse est parti ; je l’ai vu encore sur ses véritables jambes, qu’on lui a rendues après un long intervalle. On ne comprend pas à présent qu’on ait pu si longtemps trouver bonnes celles de Porta. C’est aujourd’hui un des plus parfaits ouvrages de l’antiquité. Le roi de Naples fera bâtir un musée où l’on réunira tout ce qu’il possède d’objets d’art, le musée d’Herculanum, les tableaux de Pompeï, les tableaux de Capo di Monte, tout l’héritage Farnèse. C’est une grande et belle entreprise. Notre compatriote Hackert en est le promoteur. Le Toro Farnèse lui-même doit émigrer à Naples, où il sera érigé dans la promenade. S’ils pouvaient emporter du palais la galerie Carrache, ils l’emporteraient aussi.

Rome, 27 juin 1787.

J’ai visité avec Hackert la galerie Colonne, où sont réunis des ouvrages du Poussin, de Claude, de Salvator Rosa. Il m’a dit beaucoup de bonnes choses et profondément pensées sur ces tableaux. Il en a copié quelques-uns et a fait des autres une étude solide. Je me félicitais d’avoir eu, en général, les mêmes pensées dans mes premières visites. Ce qu’il m’a dit n’a pas changé mes idées, mais les a étendues et déterminées. Si l’on peut revoir aussitôt après la nature et retrouver et lire ce que ces artistes ont trouvé et plus ou moins imité, cela doit étendre l’esprit, l’épurer et lui donner enfin la plus sublime intuition de la nature et de l’art. Pour moi, je veux travailler sans reliïche jusqu’à ce que rien ne soit plus pour moi parole vaine et tradition, mais idée vivante. Ce fut dès ma jeunesse ma tendance et mon tourment ; maintenant que l’âge s’avance, je veux du moins atteindre à ce qui est accessible et faire ce qui est faisable, après avoir si longtemps, à tort ou à droit, éprouvé le sort de Sisyphe et de Tantale.

Gardez-moi votre amour et votre foi. Je suis assez bien maintenant avec les hommes et sur le pied d’une heureuse franchise. Je suis bien et satisfait de la vie que je mène. Tischbein est un artiste de grand mérite, mais je crains qu’il ne soit jamais en état de pouvoir travailler avec joie et liberté. Je vous en dirai davantage de bouche sur cet homme admirable. Mon portrait