Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée

jamais été profond et n’est jamais devenu grand ; que les ecclésiastiques s’accommodent à merveille du loisir, et que les grands ne se plaisent guère à jouir de leurs biens que dans les voluptés, le luxe et la dissipation. Je sais bien que tout cela est dit d’une manière beaucoup trop générale, et que les traits caractéristiques de chaque classe ne peuvent être nettement tracés qu’après une connaissance et une observation plus exactes, mais, en somme, c’est, je crois, à ces résultats qu’on arriverait.

Je reviens au petit peuple de Naples. On remarque chez eux, comme chez les enfants d’humeur enjouée auxquels on commande quelque chose, qu’ils remplissent, il est vrai, leur tâche, mais qu’en même temps ils s’en font un badinage. Toute cette classe a l’esprit très-vif, un libre et juste coup d’œil ; son langage doit être figuré, ses saillies très-vives et mordantes. L’ancienne Atella était située dans le territoire de Naples. Polichinelle, son favori, continue ces jeux, et toute la classe populaire s’intéresse encore à ses boutades.

Dans le cinquième chapitre du troisième livre de son Histoir» naturelle Pline juge la Campanie1 seule digne d’une description détaillée. « Cette contrée est si heureuse, dit-il, si charmante, si fortunée, qu’on y reconnaît manifestement l’œuvre favorite de la nature. Car cet air vital, ce ciel, d’une douceur toujours salutaire, ces champs si fertiles, ces collines si radieuses, ces forêts si innocentes, ces bocages si touffus, ces arbres, d’une si riche variété, tant de montagnes aérées, de champs, de vignes, d’oliviers fertiles, de troupeaux aux riches toisons, de taureaux bien nourris, tant de lacs, une si grande richesse de rivières et de fontaines, qui l’arrosent tout entière ; tant de mers, tant de ports ; cette terre qui, de toutes parts, ouvre son sein au commerce, et, comme pour favoriser les mortels, s’avance ellemême à plaisir dans la mer I Je ne mentionne pas le génie et les mœurs de ses peuples, les nations que sa langue et ses. mains ont domptées. Les Grecs, qui parlent si magnifiquement d’eux-mêmes, ont porté sur ce pays le jugement le plus hono-


1. Dans ce passage Pline a en vue non pas la Campanie seule, mais l’Italie tout entière. (Note du traducteur.)