Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/398

Cette page n’a pas encore été corrigée

pourrait trouver aussi dans les grandes boutiques : c’est une véritable friperie. Pas un petit morceau de fer, de cuir, de drap, de toile, de feutre, qui ne reparaisse chez le fripier et qui ne soit racheté par l’un ou par l’autre. Beaucoup de gens de la dernière classe sont encore occupés auprès des marchands et des artisans comme manœuvres et commissionnaires.

Il est vrai qu’on rencontre presque à chaque pas des gens très-mal vêtus et même déguenillés, mais ce ne sont pas pour cela des paresseux, des fainéants. Je ne craindrais pas d’avancer ce paradoxe que, proportion gardée, on trouvera plus d’industrie à Naples qu’ailleurs dans toute la classe inférieure. Sans doute, nous ne devons pas comparer cette industrie avec celle du Nord, obligée de s’inquiéter non-seulement pour le jour et l’heure, mais aussi, dans les beaux jours, pour les mauvais et, en été, pour l’hiver. L’homme du Nord étant contraint par la nature à la prévoyance, aux approvisionnements ; la mère de famille devant saler et fumer la viande, afin de fournir la cuisine toute l’année ; l’homme ne devant pas négliger de faire provision de bois, de blé, de fourrage pour le bétail, il en résulte que les plus belles heures et les plus beaux jours sont dérobés à la jouissance et voués au travail. Pendant plusieurs mois, on se trouve bien d’éviter le grand air, on cherche dans les maisons un abri contre l’orage, la pluie, la neige et le froid ; les saisons se succèdent sans cesse, et quiconque ne veut pas périr doit devenir ménager. Car il ne s’agit pas là de savoir si on veut se passer des choses, on ne doit pas le vouloir, on ne saurait le vouloir, parce qu’on ne peut s’en passer. La nature force à l’action, aux précautions. Assurément les influences naturelles, qui restent les mêmes pendant des milliers d’années, ont déterminé le caractère, à tant d’égards respectable, des peuples du Nord. En revanche, nous jugeons, à notre point de vue, trop sévèrement les peuples du Sud, pour qui le ciel s’est montré si clément. Ce que M. de Pauw ose avancer, dans ses Recherches sur les Grecs, à l’occasion des philosophes cyniques s’applique entièrement ici. A son avis, on ne se fait pas une très-juste idée de l’état misérable de ces hommes. Leur maxime « se passer de tout » est, dit-il, très-favorisée par un climat qui donne tout. Tn pauvre homme, qui nous paraît misérable, peut satisfaire