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Si l’on veut, comme de raison, mettre en doute sa merveilleuse faculté corporelle de planer au-dessus du sol, du moins son esprit était fort élevé au-dessus de ce monde : aussi rien ne le choquait plus que la vanité, les fausses apparences, les prétentions, qu’il regardait comme les plus grands obstacles à la véritable piété, et qu’il combattait avec énergie, mais toujours avec bonne humeur, ainsi que plusieurs anecdotes nous l’apprennent. Il se trouve, par exemple, auprès du pape, lorsqu’on vient annoncer que, dans le voisinage de Rome, une religieuse se signale par toutes sortes de dons spirituels, merveilleux. Néri est chargé de vérifier l’exactitude de ces récits. Il prend sur-lechamp un mulet, et bientôt il arrive au couvent par un temps et des chemins détestables. On l’introduit, il s’entretient avec l’abbesse, qui lui fait, avec une entière persuasion, le détail exact de tous ces signes de grâce. On appelle la nonne, elle paraît, et lui, sans la saluer, il lui présente sa botte fangeuse, en l’invitant à la lui ôter. La vierge sainte, délicate, recule en arrière et exprime en termes violents son indignation de cet ordre. Néri se lève tranquillement, monte sur son mulet et se représente devant le pape, bien surpris d’un si prompt retour, car on prescrit, avec la plus grande exactitude, aux confesseurs catholiques des précautions sévères pour examiner ces dons spirituels, l’Église admettant la possibilité de ces faveurs célestes, mais n’en reconnaissant la réalité qu’après’l’examen le plus attentif. Néri fit connaître en peu de mots le résultat au pape surpris. « Ce n’est pas une sainte, s’écria le religieux, elle ne fait point de miracles, car elle n’a pas la qualité essentielle, l’humilité. »

On peut regarder cette maxime comme le principe qui a dirigé toute sa vie : car, pour en citer encore un seul trait, lorsqu’il eut fondé la congrégation des pères de l’Oratoire, qui jouit bientôt d’une grande considération, et fit naître chez beaucoup de gens le désir d’en devenir membres, un jeune prince romain vint solliciter sa réception et obtint en eiïet de prendre la qualité ainsi que l’habillement de novice. Mais, quelque temps après, comme il demandait son admission effective, on lui dit qu’il y avait encore quelques épreuves à subir auparavant. Il se déclara prêt à les soutenir. Là-dessus, Néri lui présenta une longue