Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/368

Cette page n’a pas encore été corrigée

tants, au nombre de trente mille ; la plupart des maisons étaient renversées ; les autres, toutes lézardées, n’offraient aucune sûreté. On se hâta donc de construire au nord de Messine, dans une grande plaine, une ville de planches, dont on peut se faire d’abord une idée en parcourant, au temps des foires, le Rœmerberg de Francfort et la place de Leipzig, car toutes les boutiques et les ateliers sont ouverts sur la rue, et il se fait beaucoup de travaux en dehors. Aussi n’y a-t-il que peu de grands bâtiments qui soient fermés, et encore avec peu de soin, car les habitants passent beaucoup de temps en plein air.

C’est ainsi qu’ils sont logés depuis trois ans, et cette vie de baraques, de cabanes et même de tentes, a exercé sur le caractère des habitants une influence décisive. L’horreur de l’épouvantable catastrophe, la peur de la voir se renouveler, les portent à goûter les plaisirs du moment avec une joyeuse insouciance. On avait craint, le 21 avril, c’est-à-dire environ vingt jours auparavant, le retour d’une nouvelle calamité ; une secousse remarquable avaH encore ébranlé le sol. On nous a fait voir une petite église, où une foule de personnes rassemblées à ce moment avaient senti la secousse. Quelques-unes, qui s’y étaient trouvées, semblaient n’être pas encore remises de leur frayeur.

Un bienveillant consul, qui s’est donné spontanément beaucoup de peine pour nous, nous a servi de guide dans nos observations et nos recherches, avec un empressement plus digne de notre reconnaissance au milieu de ces ruines qu’en tout autre lieu. Ayant appris que nous désirions partir bientôt, il nous a mis en rapport avec un Français, capitaine d’un vaisseau marchand, qui allait faire voile pour Naples. Rien ne pouvait mieux nous convenir, puisque le drapeau blanc est respecté des corsaires.

Comme nous venions d’exprimer à notre aimable guide le désir de voir intérieurement une des grandes baraques, qui n’ont d’ailleurs qu’un seul étage, leur disposition et leur ménage improvisé, un homme d’humour agréable se joignit à nous, et nous vîmes bientôt que c’était un professeur de langue française. La promenade finie, le consul lui communiqua notre désir de voir un de ces bâtiments, le pria de nous conduire chez