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qui nous a accueillis en nous disant : « Regardez autour de vous, messieurs ; vous trouverez tout ici comme feu mon mari l’avait assemblé et mis en ordre. Je le dois à la piété de mon fils, qui a voulu que je fusse logée dans ses meilleurs appartements, et qui n’a pas souffert que rien y fût enlevé ni déplacé, de ce que son père avait recueilli et arrangé. J’y trouve le double avantage de vivre comme j’en ai eu l’habitude pendant de longues années et de voir et d’apprendre à connaître, comme auparavant, les étrangers de mérite, qui viennent de b’ien loin pour observer nos trésors. » Là-dessus, la princesse nous a ouvert elle-même l’armoire vitrée où étaient conservés les ouvrages d’ambre. L’ambre de la Sicile se distingue de celui du Nord en ce qu’il passe de la couleur de cire et de miel, transparente et opaque, par toutes les nuances d’un jaune foncé, jusqu’au plus beau rouge hyacinthe. On en avait taillé des urnes, des coupes et d’autres objets, qui faisaient supposer quelquefois des morceaux d’une grosseur merveilleuse. Ces objets, les coquilles taillées, que l’on travaille à Trapani, enfin d’excellents ouvrages d’ivoire, font surtout le plaisir de la noble dame, et lui ont fourni le sujet d’agréables récits. Le prince nous a rendus attentifs à des objets plus sérieux, et nous avons ainsi passé quelques heures agréables et instructives. La princesse ayant appris que nous étions Allemands, nous a demandé des nouvelles de MM. Riedesel, Bartel et Munter, qu’elle a tous connus, et dont elle a su discerner et apprécier fort bien le caractère et la conduite. Nous l’avons quittée à regret, et elle semblait, de son côté, fâchée de nous voir partir. Dans une île, la vie a toujours quelque chose de solitaire, et n’est vivifiée et soutenue que par un intérêt passager.

L’ecclésiastique nous a menés ensuite au couvent des Bénédictins, dans la cellule d’un frère de moyen âge, dont l’air triste et concentré promettait peu de communications agréables. C’était cependant l’homme ingénieux qui savait seul dompter l’orgue immense de cette église. Après avoir deviné plutôt que compris notre désir, il l’a satisfait en silence. Nous nous sommes rendus dans l’église, qui est très-vaste et qu’il a remplie tour à tour, jusque dans les dernières profondeurs, des suaves gémissements et des éclatants tonnerres de l’admirable instrument