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vant notre habitude, le prix du logement, de la table, du vin, du déjeuner et des autres détails. Tout était raisonnable, et nous avons fait bien vile transporter notre petit bagage, pour le caser dans les vastes commodes dorées. Kniep, qui trouvait pour la première fois l’occasion de déployer ses feuilles, a mis en ordre ses dessins, et moi, mes observations. Après quoi, charmés de notre bel appartement, nous avons passé au balcon du salon pour jouir de la vue. Après l’avoir assez admirée, nous nous retournons pour aller à nos affaires, et nous voyons sur nos têtes un grand lion d’or qui nous menace. Nous nous jetons l’un à l’autre un regard significatif, et de sourire et de rire !… Mais, dès ce moment, nous observons ce qui nous environne, pour voir s’il ne paraîtra point quelqu’un de ces monstres homériques.

Rien de pareil ne se montrait : en revanche, nous trouvons dans la salle une jeune et jolie femme qui se promène deçà delà avec un enfant de deux ans, mais elle est tout à coup vivement apostrophée par ce demi-maître si remuant. Il lui ordonne de sortir. Elle n’a rien à faire là. « C’est bien mal à toi de me chasser ! dit-elle. On ne peut calmer l’enfant au logis, quand tu es loin. Ces messieurs me permettront sans doute de tranquilliser le petit en ta présence. » Le mari n’y voulait pas entendre et cherchait à mettre la femme dehors. L’enfant, mis à la porte, poussa des cris lamentables, et nous dûmes finir par demander sérieusement que la jolie petite dame restât dans la salle. Avertis par l’Anglais, nous avons vu aisément le fond de cette comédie. Nous avons joué les novices, les innocents. Pour lui, il remplissait parfaitement son rôle de tendre père. L’enfant était charmant avec lui. Probablement la mère supposée l’avait pincé derrière la porte. Elle resta donc tout innocemment, quand le mari sortit afin de porter au chapelain du prince Biscari une lettre de recommandation, et la femme continua de babiller jusqu’à ce qu’il revînt nous annoncer que l’abbé paraîtrait bientôt lui-même, pour nous renseigner plus exactement.

Catane, jeudi 3 mai 1787.

L’abbé, qui était déjà venu nous saluer hier au soir, nous a conduits ce matin au palais. Cet édifice se compose d’un seul